Henry Buzy-Cazaux « Je ne crois pas à une remontée des prix immobiliers »

Elisabeth Lelogeais 17 mai 2016
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Le marché s’anime, les loyers s’apaisent, les sites immobiliers de professionnels s’ouvrent aux particuliers, les jeunes s’intéressent vivement aux métiers de l’immobilier. Sur ce secteur qui bouge à vive allure, Henry Buzy-Cazaux, président de l’IMSI nous livre son analyse.

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Henry Buzy-Cazaux « Je ne crois pas à une remontée des prix immobiliers »
La reprise de l'immobilier est durable mais la solvabilité des familles ne permet pas une hausse des prix immobiliers. © OlegMit

Le marché repart, tant sur le segment de l’ancien que sur celui du neuf. Comment analysez-vous cette reprise ?

Henry Buzy-Cazaux. Cette reprise est heureuse, après plusieurs exercices difficiles ou hésitants. C'est bien pour les professionnels et l'emploi dans ce secteur clé, c'est surtout bien pour les ménages, qui réalisent en plus grand nombre leurs projets immobiliers. On connaît les ressorts de la vigueur recouvrée du marché : des taux d'intérêt plus bas que jamais, des prix assagis partout en France, et pour le neuf un dispositif Pinel très attrayant et un prêt à taux zéro boosté. Pour autant, ces leviers puissants ne suffiraient pas s'il n'y avait pas la confiance. Or, contre toute attente, les ménages ont confiance, malgré le chômage élevé, malgré le climat social dégradé, malgré une donne géopolitique inquiétante, sans doute parce qu'ils attribuent plus que jamais au logement des vertus de réassurance et de stabilisation.

Cette reprise est-elle durable ?

Sans aucun doute. Les taux d'intérêt resteront au plancher par décision stratégique des banques centrales. Je ne crois pas à une remontée des prix immobiliers. Certes, la baisse des taux pourrait constituer un encouragement à la hausse des prix, mais la solvabilité des familles ne le permet pas. En outre, ces taux à l'étiage cachent des conditions de crédit moins flatteuses. Les banques sont regardantes sur la qualité des dossiers et le renforcement des exigences prudentielles en 2017 ne vont rien arranger. Quant aux dispositifs publics, le Président de la République lui-même s'est engagé à les proroger pour ne pas casser la croissance de ce secteur clé.

Bon à savoir

1 045 000 transactions ont été réalisées dans l'immobilier résidentiel privé en 2015, + 15 % par rapport à 2014.

Le neuf reste toujours sous perfusion. Est-ce sain ?

La situation était naguère malsaine. La reprise était portée par les investisseurs en défiscalisation. Or, le marché est en train de faire de nouveau une part significative aux accédants à la propriété. Une structure de marché normale doit comporter deux tiers de ventes en accession et un tiers en investissement. Ce résultat ne sera obtenu qu'avec une modération des prix du neuf, elle-même dépendante de la baisse du prix des terrains. C'est l'enjeu politique majeur pour Emmanuelle Cosse, en particulier grâce à une fiscalité incitant la cession et non la thésaurisation. Les deux rapports qu'elle a récemment reçus sur le foncier sont catégoriques sur ce point.

Il est question d’étendre l'encadrement des loyers d'habitation à d’autres villes que Paris. Est-ce nécessaire ?

Le problème tient au décalage entre le temps politique et le temps économique. Le candidat Hollande a promis l'encadrement en 2011, la loi ALUR l'a mis en musique en 2014 et nous sommes en 2016... Le marché des loyers s'est apaisé, parce que les ménages ne pouvaient plus supporter les vitesses d'augmentation enregistrées entre 2008 et 2011. En clair, le marché a fait son office. C'est le cas à Lille et c'est le cas en première couronne de Paris, dans une moindre mesure évidemment s'agissant d'un marché tendu. La loi ALUR a instauré le principe d'observatoires dans les marchés tendus. Les maires doivent considérer ce sujet sur des bases économiques, pas idéologiques. L’encadrement des loyers doit donc être économiquement fondé. Le demander à Lille, par exemple, où le taux de vacance est élevé et les loyers stables depuis 4 ans ne sert à rien.

L'encadrement des loyers doit être économiquement fondé ».

Henry Buzy-Cazaux, président de l’IMSI

Le paysage des sites d'annonces immobilières subit une profonde mutation, avec l'arrivée de Bien'ici mais aussi le choix de Seloger et d'ORPI de s'ouvrir aux annonces des particuliers. Comment observez-vous ces changements ?

Bien'ici est d'abord une victoire de la communauté professionnelle, qui a appris à se parler et à additionner ses forces internes. Je regrette néanmoins que cette belle unité soit encore imparfaite : les réseaux de mandataires et les notaires sont des acteurs estimables et il n'y a pas de raison de les exclure de Bien'ici. Le public n'entend rien à ces clivages artificiels et à ces bisbilles intestines. Cela dit devenir leader dans l'univers des annonces immobilières n'est pas aisé. L'actuel leader, SeLoger, tient son rang. Sa puissance, construite en vingt ans de développement et d'innovation, est incontestable. Il ne suffit pas de vouloir détrôner un acteur installé pour y parvenir.

Plus concrètement, à qui profite cette ouverture ?

Ce sont aujourd'hui les usages qui gouvernent tout, plus que les cadres traditionnels, notamment le clivage entre professionnel et non professionnel. Seloger et au même moment le réseau ORPI se sont ouverts aux annonces de particuliers et je pense qu'ils ont eu doublement raison : ils ont d'abord fait le jeu de l'internaute, qui veut l'offre la plus large avec des garanties de sérieux, et par ailleurs ils facilitent la conquête de clients par les agents immobiliers.

L'avenir des sites passera par la valorisation des données...

... donc par l'ouverture et l’œcuménisme »

Les professionnels peuvent donc s’en réjouir ?

Les professionnels ont le tort de considérer comme des ennemis ceux qui n'ont pas le réflexe de recourir à eux. Ce sont des prospects à convaincre, pas des concurrents! Faire cohabiter sur le même site les deux parties de l'offre, c'est donner aux agents les moyens de dialoguer et de conquérir. L'avenir des sites passera par la valorisation des données, donc par l'ouverture et l'œcuménisme. J'ai la chance d'être membre de la Commission Macron sur le lien entre immobilier et numérique, et nos premières auditions et réflexions me conduisent à cette idée simple : l'Internet est un univers sans exclusive, alors que tout nous avait habitué dans nos secteurs d'activité à séparer, hiérarchiser, fermer, classer.

La question des honoraires  des agents immobiliers est récurrente. Faut-il changer le mode de facturation des honoraires de vente ?

Je comprends les revendications d'une partie de la profession, qui voudrait pouvoir percevoir des honoraires en amont d'une transaction. Pour autant, je pense que la rétribution à la conclusion de la vente a du sens. C'est une logique classique dans les activités commerciales, qui est aussi gage d'efficacité. En outre, je mets en garde la profession si l'on demande au législateur de se mêler de ce sujet, il aura la tentation, en contrepartie d'un assouplissement des modalités de perception, de plafonner le montant global. En effet, les décideurs publics, sans considération de bord politique, sont aujourd'hui attentifs à redonner du pouvoir d'achat aux ménages et à le faire au détriment des entreprises.

L'obligation de formation est salutaire pour les professionnels face à la complexité du métier...

... une complexité qui ne rebute pas les étudiants des écoles, toujours plus nombreux, attirés par l'intérêt de l'activité »

L'obligation de formation continue des agents immobiliers et des administrateurs de biens est-elle une avancée importante ?

Cette obligation est salutaire. Deux jours de formation par an peuvent sembler peu, mais il faut voir que la profession part de loin ! Ce sont à ce jour 10 % des professionnels qui se forment régulièrement. En plus, l'obligation va amorcer le mouvement et je suis sûr que les entreprises iront vite au-delà de façon spontanée. Une difficulté, que le décret n'a pas levée. Il va falloir que les professionnels choisissent les bons établissements de formation, alors que l'apparition d'un marché important a entraîné la création intempestive d'officines de formation peu scrupuleuses. Il est prudent de se rapprocher de la Chambre de commerce dont on dépend pour s'assurer qu'elle validera la formation qu'on a choisie au moment de renouveler la carte professionnelle.

Les écoles spécialisées dans l’immobilier et les masters en immobilier des grandes écoles et des facultés ont le vent en poupe. En tant que Président d’école, comment expliquez-vous cet attrait pour ce secteur ?

Je constate que les jeunes ont envie de faire ces métiers. La loi ALUR, la réglementation, les normes ne les rebutent pas, les aléas économiques non plus. L’intérêt de l’activité l’emporte et les inscriptions, chaque année plus nombreuses, l’attestent. Aujourd’hui, face à la complexité de tous les métiers de l’immobilier, les études sont d’ailleurs indispensables. Diplôme en poche, on peut faire carrière dans une entreprise, progresser, gagner de l’argent. On peut aussi créer son entreprise pour peu que l’on y ajoute une plus-value. Il est encore possible d’y créer des start-up innovantes.

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Henry Buzy-Cazaux, président de l’IMSI
Agrégé de philosophie et diplômé de l’Essec, Henry Buzy-Cazaux a exercé diverses fonctions au sein de grandes entreprises immobilières comme Foncia, Tagerim. Délégué général de la Fnaim pendant quelques années, il est actuellement président de l’Institut de Management des Services Immobiliers
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