Immobilier : où manque-t-on le plus de biens à vendre ?

Xavier Beaunieux
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Sur le marché immobilier français, le décalage entre une demande explosive de logements, d’un côté et une offre anémique de l’autre, est bien réel. Il arrive toutefois que la surreprésentation des acheteurs et la raréfaction des stocks de biens disponibles à la vente  soient battus en brèche. Où ce déséquilibre s’inverse-t-il ? Une enquête exclusive. 

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Une maison à Saint-Germain-en-Laye
En couronne parisienne (ici, Saint-Germain-en-Laye), on compte davantage de demandes de logements que d'offres, contrairement à Paris intra-muros. ©Pack-shot
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À Paris, les stocks se sont reconstitués et ils augmentent encore

Paris/province : deux salles, deux ambiances… Du Havre (« face à la pénurie de biens, les acquéreurs font preuve de prudence ») à Sainte-Maxime (« il manque cruellement de biens ») en passant par Menton («nous faisons face à un vrai défi pour trouver des biens à vendre »), Marseille (« les biens en vente se font de plus en plus rares », Aubagne (« la rareté des biens à la vente a provoqué une hausse des prix », Nice (« l’offre de logements à la vente s’appauvrit mais la demande est soutenue ») ou encore Caen (« il y a un vendeur pour dix acheteurs sur les biens les plus recherchés »), force est de constater qu’une majorité d’agents immobiliers déplore la rareté des biens à la vente. Pour autant, ce qui est vrai en province ne l’est pas forcément à Paris. Mais si, souvenez-vous, il fût un temps où le marché de l’immobilier parisien était tellement tendu qu’il fallait bien souvent être capable de réagir au ¼ de tour en faisant une offre dès la première visite (et « au prix » !) pour espérer avoir la chance de décrocher le bien tant convoité. Mais ça, c’était avant... 

En effet, l’enquête, que nous avons menée, montre que si la province fait face à un appauvrissement de ses stocks de biens immobiliers, à Paris, en revanche, la tendance est tout autre, avec une hausse de l’offre de biens proposés à la vente ! La crise sanitaire et l’exode urbain qu’elle n’a pas manqué de susciter (à la rentrée dernière, on recensait 6 000 enfants de moins dans les écoles et les maternelles parisiennes, Ndlr) ne sont d’ailleurs pas étrangers à ce rééquilibrage des stocks de logements dans la Ville Lumière. C’est bien la fin des confinements qui a marqué le point de bascule. Alors qu’à Paris, le volume annuel d’annonces immobilières accusait un recul de 6 % au cours des douze mois ayant précédé la pandémie, sur les deux dernières années, il enregistre 9,2 % de hausse, soit un bond de 4,6 % chaque année, en moyenne. D’autre part, il est intéressant de souligner qu’à cette hausse des stocks de biens parisiens fait écho une baisse des prix de vente dans la métropole. Alors qu’avant la crise sanitaire, les tarifs de la pierre parisienne caracolaient ( + 10,8 % sur 1 an), deux confinements plus tard, c’est la baisse du prix de l’immobilier (- 3,2 % sur 2 ans) qui prévaut dans la capitale. Or, au vu du rallongement des délais de vente parisiens (de 50 jours avant le Covid, ils sont passés à 65 jours), il est permis de penser qu’une inversion de ces tendances (recul des prix, hausse de l’offre) n’est pas pour demain…

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L'évolution des stocks de biens à vendre à Paris et dans les zones rurales.
A Paris, le volume annuel d'annonces est à la hausse

Plus d’offres que de demandes en-deçà du périph’, moins au-delà

Si Paris intra-muros se caractérise par une attractivité en berne et une offre de biens qui s’oriente à la hausse, en petite couronne mais aussi (et surtout !) en grande couronne parisienne, la tendance s’inverse et les volumes d’annonces fondent comme neige au soleil. Notre enquête nous apprend ainsi qu’en grande couronne (Essonne, Val-d’Oise...), le niveau des stocks de biens disponibles décroît beaucoup plus rapidement qu’avant la pandémie alors que les prix de vente prennent de l’altitude (+ 8,5 % en 2 ans). De même, on y dénombre davantage d’acquéreurs pour le même bien qu’avant la crise (11 % plus d'acquéreurs que de biens en vente aujourd’hui contre 1 acquéreur pour 1 bien auparavant). Dans ce contexte, rien d’étonnant, donc, à ce que les  prix de vente val-d’oisiens (+ 10,9 % sur 2 ans), essonniens/seine-et-marnais (+ 9,4 %) et yvelinois (+ 5,4 %) s’envolent ! Dans les Hauts-de-Seine, en revanche, il est à noter que depuis deux ans, les volumes d’annonces tendent à augmenter (+ 3,6 % en 2 ans) et les délais de vente à jouer les prolongations (+ 9 jours depuis mars 2020). Quant aux prix de vente altoséquanais, ils affichent une tendance baissière sur les six derniers mois (- 0,4%).

La province paye le prix de son regain d’attractivité

En bouleversant les critères de recherche des acheteurs (plus d’espace, un extérieur, une meilleure qualité de vie…), en banalisant le télétravail et en ressuscitant le marché de la résidence secondaire, la crise sanitaire aura incontestablement permis aux villes moyennes et aux zones périurbaines de prendre leur revanche sur les métropoles. Pour autant, la province aurait-elle remporté une victoire à la Pyrrhus, c’est-à-dire une bataille dont le coût se révèle tellement élevé pour le vainqueur qu’elle équivaut presque à une défaite ? Car en remportant la guerre de l’attractivité et en siphonnant les métropoles de leurs habitants, les villes moyennes - mais plus encore les communes rurales - ont enregistré conséquemment une explosion de leur demande en logements, une hausse du prix de leur immobilier et un assèchement de l’offre disponible. D’après notre étude, si le niveau d’annonces immobilières (- 0,6 %) et des prix de vente (+ 2 %)  dans les villes rurales faisaient preuve de stabilité pendant l’année avant que ne survienne la crise sanitaire, post-Covid, c’est une tout autre histoire ! La chute brutale des stocks annuels (- 21 % depuis début 2020) s’est ainsi suivie d’une envolée des prix de vente (+ 11,9 % depuis 2 ans).

Il ressort toutefois de notre étude que dans certaines grandes villes de province, et contrairement à ce que l’on observe dans les communes rurales où les volumes de biens disponibles à l’achat dégringolent à la vitesse V, le rapport offre/demande tend à se rééquilibrer. C’est le cas notamment à Toulouse où les stocks se reconstituent (+ 6,1 % sur les 2 dernières années) où la hausse des prix ralentit (+ 11,7 % avant la crise sanitaire vs + 4,8 % post-Covid) mais où le marché demeure tendu (la demande y progresse de 11 %). Même constat à Rennes à ceci près que le ralentissement de la baisse des stocks de logements proposés à la vente (-20 % environ sur l’année avant la pandémie vs - 8,6 % par an sur les 2 dernières années) s’accompagne d’un recul de la tension (on y recense 2 % plus d’acheteurs que de biens à vendre aujourd’hui vs 27 % il y a 2 ans) et d’un ralentissement du rythme de la hausse des prix (+ 15,7 % sur 1 an avant la crise vs seulement + 2,4 % depuis 1 an).

Notre méthodologie : Pour mener notre enquête, nous nous sommes appuyés sur le calcul des volumes d’annonces disponibles. Les indices de volume sont calculés sur la base du stock d'annonces en ligne pour les transactions de type ventes de maison et d’appartements,et publiées et diffusées sur le site SeLoger uniquement. La variation de l'indice à 2 ans correspond au pourcentage d'évolution de l'indice entre décembre 2019 et décembre 2021. Quant aux indices, ce sont les sommes de volumes glissants sur un an des annonces uniques publiées sur le site. Cela a pour but d'effacer le bruit dans les données et les effets de saisonnalité.

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