L’entrée en vigueur progressive de la loi Climat & Résilience commence déjà à remodeler en profondeur le marché de l’immobilier. Avec l’interdiction à la location des biens les plus énergivores au 1er janvier dernier, les mises en vente sur le marché fusent, tandis que le volume des annonces locatives bat en retraite, comme en témoignent les données recueillies par le site SeLoger. On fait le point.
Loi Climat et mauvais DPE, agitateurs de tendances
Opérationnel depuis le 1er janvier 2023 pour les biens étiquetés « G + », le calendrier des interdictions à la location des passoires thermiques s’étendra à la classe « G » en 2025 et « F » en 2028. Or, sur tout le territoire français, on compte 17 % de « passoires thermiques » (classes « F » et « G »), soit 5,2 millions de logements, dont 511 000 sont d’ores et déjà ciblés par la loi (G +). De la carte au territoire, c’est à Paris (35 %), dans la Creuse (35 %) et dans Cantal (32 %) que l’on trouve le plus grand nombre de passoires énergétiques dans le parc résidentiel français.
Avec les obligations fixées par la loi Climat & Résilience, qui a pour ambition d’encourager la rénovation des logements les plus voraces en énergie, les conséquences sur le marché de l’immobilier ont laissé émerger plusieurs tendances concomitantes. Déjà, sur le front des acheteurs, la refonte du DPE en juillet 2021, suivie de l’affichage obligatoire de la mention « passoire énergétique » sur les annonces des biens classés « F » et « G », a radicalement bousculé leurs priorités. Ils sont aujourd’hui 90 % à considérer un « bon » DPE comme un critère prioritaire dans leur projet d’achat, contre à peine plus de 50 % en 2022. Les impacts d’un mauvais DPE sur le marché ne jouent pas que dans la cour des acheteurs. Concernés au premier chef, vendeurs et bailleurs n’ont pas attendu l’application de la loi et ses premières échéances pour passer à l’action.
Le DPE est devenu un critère de recherche à part entière dans les annonces immobilières du site SeLoger, afin de permettre aux porteurs de projets immobiliers de filtrer les annonces par classe de DPE.
Les mises en vente de passoires énergétiques s’accélèrent
Les chiffres sont éloquents. Selon les données collectées par SeLoger sur la base des annonces publiées sur le site, les ventes de passoires thermiques ont décollé en 2022, avec 19,2 % d’annonces, contre 16% en 2021 et un peu plus de 11 % entre 2018 et 2020.
Une forte progression du volume des ventes est liée aux effets de la loi et d’un mauvais DPE, qui joue le rôle de déclencheur dans la décision de vente. De fait, selon une étude OpinionWay pour Seloger, la part de vendeurs de passoires qui ne peuvent ou ne souhaitent pas engager des travaux de rénovation de leur bien est :
- de 50 % pour les résidences secondaires,
- de 39 % pour l’investissement locatif,
- de 31 % pour la résidence principale.
À noter que les mises en vente impliquent aussi une correction des prix à la baisse, puisque la plupart des vendeurs de passoires énergétiques (79 % en résidence principale et 57 % en investissement locatif), sont prêts à accorder une décote moyenne de 3,9 % sur le prix de vente et même de 5,6 % pour les logements situés en zone rurale.
Selon l’étude OpinionWay pour SeLoger, un mauvais DPE est perçu comme un levier de négociation pour 40 % des futurs acheteurs. Actuellement, le taux de négociation moyen sur les biens F et G est de - 5,6 % en France en 2022, contre - 3,7 % pour les autres classes DPE.
Du côté des ventes, les annonces immobilières foisonnent
En termes de volume d’annonces sur SeLoger, la part des passoires thermiques a été multipliée par quatre à Paris depuis 2021 et a quasiment doublé en zone rurale (26 % vs 15 %). Mais si les mauvais DPE ont du mal à s’écouler dans la capitale, avec des stocks de biens à la vente qui ont tendance à s’étoffer, la situation est très différente à Marseille.
Avec un marché sous forte tension et une augmentation régulière du prix de son immobilier, quelque 14 % en 2022, Marseille souffre d’une pénurie criante de biens à la vente face à une demande soutenue. Dans un tel contexte, les passoires énergétiques trouvent ici facilement preneur, d’autant qu’à l’instar des départements du pourtour méditerranéen et du Sud de la côte Atlantique, le DPE ne recouvre pas les mêmes réalités, compte tenu du climat plus doux et des besoins en chauffage moins importants dans ces régions.
Du côté des locations, le volume d’annonces est en net recul
Sur le marché de la location, la situation est diamétralement opposée à celle des mises en vente. L’offre locative apparaît de fait en baisse notoire partout sur le territoire, avec une chute de 40 % du volume d’annonces pour les passoires énergétiques et de 25 % pour les autres bien sur les douze derniers mois. Une tendance bien plus marquée dans la capitale, où les annonces des biens classés « F » et « G » décrochent à moins 60 %.
Plusieurs facteurs expliquent une telle désescalade :
- L’interdiction, depuis le 1er janvier, de louer les biens estampillés « G + » (qui consomment plus de 450 kWh/m²/an).
- La décision de nombreux propriétaires-bailleurs de passoires de vendre leur bien plutôt que d’engager des travaux pour continuer à le louer.
- La hausse des taux d’emprunt, qui oblige nombre de locataires qui ont un projet d’achat à se maintenir dans les rangs de la location, ce qui, mécaniquement, se traduit par moins de logements de retour sur le marché.
Sans surprise, c’est Paris et la région Île-de-France qui concentrent le plus fort taux de passoires énergétiques à la location, soit 30 % du parc total.
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