À quoi pourrait ressembler le marché de l’immobilier parisien « le jour d'après » ? Si l'on avait voulu des prédictions, on aurait acheté une boule de cristal… mais chez SeLoger, on préfère les hypothèses aux prédictions. C’est pourquoi on a posé la question à un agent immobilier : Sabine Nakache, Directrice Générale de Stone-Box et de Appartement à Rénover.
Quelles répercussions la crise sanitaire pourrait-elle avoir sur le marché immobilier ?
Sabine Nakache : C’est une situation totalement inédite que nous vivons. Il est donc trop tôt pour se projeter car plusieurs questions demeurent sans réponse. Combien de temps le confinement va-t-il durer ? Comment les banques se comporteront-elles ? Et les acquéreurs ? Quelle sera la capacité de résilience du marché immobilier ? Autant de paramètres que l’on ne maîtrise pas en l’état actuel des choses. Ce que l’on sait, c’est que les crises induisent des changements de comportements. Elles poussent les individus à s’adapter, à mobiliser les ressources dont ils disposent et à rechercher des points d’ancrage. Or, par définition, le marché immobilier est résilient. C’est-à-dire qu’il est capable de résister à un choc et d’en absorber les effets.
« Le marché immobilier parisien sera probablement moins touché que les autres ».
Sabine Nakache, Directrice Générale de Stone-Box et de Appartement à Rénover.
Quel pourrait être l’impact du confinement sur le marché parisien ?
Il est important de faire preuve de prudence et d’humilité car, encore une fois, personne ne peut dire avec certitude ce qui nous attend. Tout au plus peut-on se risquer à formuler des hypothèses ou à exprimer des convictions. L’immobilier répond toutefois à un besoin élémentaire : le besoin de sécurité. Il devrait donc continuer de jouer pleinement son rôle de valeur-refuge. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que le marché de l’immobilier parisien est un marché à part. L’offre y était littéralement submergée par la demande. On peut donc penser que le marché immobilier parisien sera moins touché que les autres et que la demande s’y maintiendra, notamment sur les biens de grande qualité.
Quid du pouvoir d’achat immobilier des Parisiens ?
De nombreux acquéreurs parisiens disposent d’un fort pouvoir d’achat immobilier et de situations professionnelles stables. Pour ces raisons, ils devraient être relativement épargnés économiquement par la crise du Covid-19. En ce qui concerne les transactions, elles devraient vraisemblablement être moins nombreuses. En effet, on peut supposer que certains primo-accédants et que des emprunteurs aux dossiers fragiles préfèrent repousser leurs projets d’achat ou qu’ils soient obligés de le faire.
Doit-on s’attendre à une baisse du prix immobilier à Paris ?
Sans doute mais il est impossible de dire de quel ordre sera ce recul. Ce qui est certain, c’est que Paris devrait rester prisée des investisseurs étrangers. La baisse des prix immobiliers pourrait donc n’y être que relative.
NDRL: En mars 2020, Le prix immobilier à Paris était, en moyenne, de 11 014 €/m².
Pourquoi est-il important de poursuivre sa recherche immobilière (continuer de prospecter, de comparer, de faire des estimations, de budgétiser, de visio-visiter…) même en période de confinement ?
Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la vie continue. Psychologiquement mais aussi économiquement, c'est important de continuer à se projeter, de maintenir une dynamique positive et de mettre à profit le temps dont on dispose pour mûrir son projet immobilier. L’idée, c’est de profiter, en quelque sorte, de ce ralentissement pour prendre de l’avance. Au sortir de la crise, il faudra probablement se montrer très réactif. On peut, en effet, penser que ceux qui étaient pressés d’acheter avant le confinement le seront aussi après.
« Crise oblige, les particuliers ont plus que jamais besoin de l’accompagnement de professionnels de l’immobilier ».
Sabine Nakache
Comment les professionnels peuvent-ils aider - à distance - les particuliers qui souhaitent faire avancer leurs projets immobiliers ?
Les agences immobilières sont fermées mais les dossiers des clients continuent d’être traités à distance. Le confinement a ainsi fait émerger de nouveaux modes de collaboration en induisant un recours systématique aux outils digitaux : visites virtuelles, visites « en visio », visio-estimations, etc. En donnant les moyens aux particuliers de poursuivre leurs projets, on donnera - ou l’on redonnera - à d’autres, l’envie de préparer un achat immobilier. C’est un cercle vertueux que nous devons initier. Mais outre le digital, c’est aussi d’écoute dont nos clients ont besoin en ce moment. Crise oblige, les particuliers ont plus que jamais besoin de l’accompagnement, tant technique que psychologique, de professionnels de l’immobilier. Ma double casquette de dirigeante d’agences et de coach professionnelle me permet d’ailleurs de gérer l’anxiété de nos clients et de les accompagner dans ce saut dans l’inconnu. J’apprends également à mon équipe à le faire. Ce qui compte, c’est de savoir s’adapter, d’être agile et en accord avec son écosystème. Travailler dans l’immobilier n’empêche pas d'être mobile, au contraire.
Quels conseils donner aux porteurs de projets immobiliers (achat/vente/location) pour qu’ils soient prêts lorsque les choses reviendront à la normale ?
De prendre le temps de se poser, de peaufiner leur dossier de financement et de recueillir tous les renseignements nécessaires pour être au clair sur leur projet. Je leur recommanderais également de faire estimer leur bien immobilier, même à distance, par des professionnels. Enfin, alors que la crise sanitaire complexifie le process immobilier, je leur conseillerais de solliciter l’accompagnement d’un professionnel de l’immobilier.
Immobilièrement parlant, y aura-t-il un « avant » et un « après » ?
Les crises stimulent la créativité. Au sein de ma profession, le recours aux outils digitaux aura été considérablement élargi par le confinement. Au-delà de la technologie, je pense que l’agilité, la mobilité et l’écoute de l’autre sont des qualités plus essentielles que jamais. L’innovation technologique doit donc s’accompagner d’une innovation relationnelle.
En quoi le confinement pourrait-il faire évoluer le rapport des Français à l’immobilier ?
À Paris, les biens avec un espace extérieur (jardin, balcon…) ont toujours eu énormément d’attrait. Mais peut-être le confinement poussera-t-il certains Parisiens à prospecter en première couronne - ou au-delà - pour pouvoir s’offrir un jardin ? D’autre part, la crise du Covid-19 aura incontestablement contribué à généraliser le télétravail et à démontrer que l’on est bien souvent aussi - si ce n’est plus - productif en télétravail qu’au bureau. Qui sait ? Peut-être verra-t-on davantage de travailleurs parisiens faire le choix de vivre en province ? Seul l’avenir nous le dira.
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)