Pouvoirs élargis et offensive des collectivités, la fête est-elle finie pour Airbnb ?

Laetitia Lapiana
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Alors que la loi « anti-Airbnb » vient d’être adoptée par le parlement et que plusieurs mesures ont été mises en place pour raboter la niche fiscale et réguler le marché de la location de courte durée en France, les élus locaux se voient dotés de nouveaux pouvoirs et outils pour lancer leur offensive contre ce fléau. Certaines communes n’ont pas attendu le feu vert pour passer à l’action, vent debout face au magnat de la location saisonnière. Explications.

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Adoptée par le parlement le 7 novembre, la loi « anti-Airbnb » redonne du pouvoir et des outils aux maires pour réguler ce marché et agir en faveur du droit au logement des résidents permanents. © Getty Images
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La croissance folle d’Airbnb et ses ravages sur l’immobilier local

Ras-le-bol ! De Paris à Biarritz, d’Annecy à Saint-Malo, en passant par Marseille, Nice, Nîmes, Nantes, Strasbourg, Toulouse et une kyrielle de localités touristiques, la rengaine est la même depuis quelques années : stop à la prolifération des locations meublées saisonnières ! En cause, divers désagréments liés à la spéculation immobilière, au surtourisme et à la pénurie de logements. Plus grave encore, l’explosion du prix de la pierre et la tension locative ne permettent plus aux habitants de ces secteurs de trouver un bien ou de pouvoir simplement y accéder.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis une dizaine d’années, les logements loués en courte durée sont passés de 80 000 en 2014 à 1,2 million en 2024 ! Un emballement spectaculaire de la location saisonnière – sacralisée par des plateformes comme Airbnb, Abritel, Booking et leurs consœurs –, qui a fait des ravages çà et là sur le territoire, non sans conséquences lourdes sur le marché résidentiel local. Comme l’explique la députée Annaïg Le Meur (Ensemble pour la République), à l’origine de la proposition de loi dite « anti-Airbnb » avec son homologue Iñaki Echaniz (Socialistes) : « La croissance des locations meublées s’accélère au détriment du parc locatif nu. [...] Redonner la fonction première du logement est notre seul leitmotiv ».

Un champ d’action et un spectre géographique limités

Autant dire que ce texte transpartisan, définitivement adopté par le parlement le 7 novembre dernier après un long cheminement législatif, était attendu de pied ferme par les élus locaux. Avant la loi « anti-Airbnb », seules les villes de plus de 200 000 habitants et les communes appartenant à une agglomération de plus de 50 000 habitants (situées en « zone tendue ») avaient la possibilité d’agir pour pallier les déséquilibres du marché, en prenant notamment appui sur l'article 145 de la loi Élan. Cette loi permet, depuis 2019, de limiter la location de courte durée des résidences principales à 120 jours par année civile. Cet encadrement, circonscrit jusque-là aux secteurs concernés et à la résidence principale, a laissé le champ libre à divers excès et à l’assèchement du parc locatif privé dans nombre de communes « hors zone ».

Les pionniers de la lutte contre le géant de la location touristique

Aux premières loges de la prolifération excessive des hébergements saisonniers, plusieurs localités touristiques en France n’ont pas attendu la loi pour constater les dégâts sur leurs territoires et franchir le pas, bien avant l’heure « légale ».

Saint-Malo, un cas d’école, qui fait jurisprudence

Pionnière de la contre-attaque face aux conséquences délétères liées à la location touristique, Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) s’est attelée dès 2021 à endiguer la folie Airbnb et à redonner du souffle au marché de la location de longue durée, en mettant en place des mesures de restriction. La municipalité a ainsi instauré des quotas stricts dans les différents quartiers, et plus particulièrement dans la partie historique, en limitant à 12,5 % le volume de biens destinés à la location touristique intra-muros. Un arrêté qui n’a pas été au goût d’une poignée de propriétaires, bien décidés à saisir la justice. Elle a tranché le 17 octobre dernier en faveur de la municipalité.

Pays basque, des actions pour freiner la spéculation immobilière

Le Pays basque est particulièrement touché par le phénomène Airbnb : plus de 11 000 biens y sont loués en courte durée, alors que les habitants du secteur se voient chassés vers des secteurs périphériques pour trouver un toit. C’est dans ce contexte que les 24 communes de la communauté d’agglomération du Pays basque (CAPB), comme Bidart, Boucau, Ciboure, Hendaye ou Urrugne, ont mis en place dès mars 2023 des mesures sévères pour freiner la spéculation immobilière et encadrer la prolifération des meublés de tourisme. Leur nombre avait grimpé de 130 % entre 2016 et 2020. Grâce au principe de compensation, ces communes ont conditionné toute autorisation de louer un bien en saisonnier par la mise en location d’un logement de surface équivalente sur le long terme, et dans la même commune.

Côte d’Azur, favoriser le retour des habitants permanents

Plusieurs communes des Alpes Maritimes ont déjà franchi le pas pour serrer la vis des meublés touristiques et favoriser le retour des habitants à l'année. Villefranche-sur-Mer a ainsi pris des mesures drastiques : depuis le 1er juillet dernier, la ville limite les locations de vacances à un seul logement par foyer fiscal pour une durée de six ans, sans renouvellement possible, afin de destiner leur bien à la location de longue durée par la suite.

Beaune, Belle-Ile-en-Mer, Cassis, Chamonix, Étretat, l’île de Ré, l'Isle-sur-la-Sorgue, Marseille, Montignac-Lascaux, et bien d’autres villes et agglomérations partout sur le territoire se sont d’ores et déjà saisies de leurs nouveaux droits pour commencer à planifier des mesures adaptées.

Une boîte à outils pour redonner la main aux municipalités

Niche fiscale rabotée, DPE obligatoire, obligation d’informer le syndic de copropriété dans les habitats collectifs... En marge d’une salve de mesures de restrictions et de sanctions applicables avec l’entrée en vigueur de la loi, plusieurs dispositifs ont été conçus pour les élus locaux afin de les doter de pouvoirs élargis pour mieux réguler le phénomène, selon les contraintes et exigences locales. Cette « boîte à outils » devrait notamment permettre aux communes de France qui le souhaitent de :

  • Abaisser le seuil de location d’une résidence principale à 90 jours contre 120 auparavant, dès 2025, sous peine d’une amende civile de 15 000 euros pour le propriétaire.
  • Mettre en place des quotas d’autorisations de meublés de tourisme, et refuser des changements d’usage, selon les cas.
  • Renforcer la procédure de déclaration en mairie avec la généralisation du numéro d'enregistrement, obligatoire dès 2026, pour toute mise en location de meublés de tourisme, qu’il s’agisse de résidences principales ou secondaires.
  • Désigner dans le plan local d'urbanisme (PLU) des secteurs réservés à la construction de résidences principales dans les communes qui comptent plus de 20 % de résidences secondaires ou qui font l’objet de la taxe annuelle sur les logements vacants.

À l’occasion du salon des maires de France, Airbnb a lancé un nouveau portail d’accès national à ses données pour les communes françaises. Construit à la demande des villes, ce portail donne aux élus locaux un accès à un ensemble de données et tendances observées sur Airbnb, afin de leur permettre de « nourrir leur stratégie touristique [...] et de définir, lorsque cela est nécessaire, des réglementations locales ciblées et proportionnées, à l’échelle de chaque quartier ».

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