On connaît les palmarès des villes préférées des étudiants, des retraités, celles où il fait bon s’installer en famille ou se lancer dans la vie active, mais on ne connaissait pas encore le classement des villes les plus agréables à vivre pour les femmes. Inédite, cette enquête publiée au printemps dernier par Femme Actuelle a passé au crible 50 villes de France autour de 21 critères clés répondant aux principaux besoins et préoccupations des femmes, au service d’un espace public plus égalitaire. Découverte.
Villes, la perfection au masculin ?
Cadre de vie, mobilité douce, aménagements urbains, sécurité, offre de soins spécifiques, places disponibles en crèche, politiques urbaines... La ville, un espace neutre ? De l’avis de plusieurs chercheurs, qui ont mené l’enquête autour de « l’anatomie » des villes, la réponse est clairement « non ». Plus encore, si l’on considère la ville pour ce qu’elle devrait être : un vecteur d’émancipation et d’amélioration de la condition des femmes et de leurs droits. Auteur de l’essai La ville faite par et pour les hommes, le géographe Yves Raibaud s’est penché méthodiquement sur les mécanismes d’appropriation de l’espace urbain par les hommes et a recueilli nombre de données, pointant un aménagement inégalitaire de la cité. En effet, à y regarder de plus près, les villes portent depuis toujours l’empreinte, la vision et l’ambition de ceux qui les ont conçues, avec des aménagements et des équipements culturels ou de loisirs davantage – et parfois exclusivement – adaptés à des usages masculins. On peut également citer le fait que la grande majorité des rues, places et parcs portent leurs noms, aux côtés de monuments qui honorent leur puissance ou leur bravoure.
De la cour de récré à l’espace public, des terres d'inégalités
Du côté de l'aménagement de l’espace public et des normes qui le dessinent, l’enseignante-chercheuse Corinne Luxembourg, spécialiste en la matière, nous invite à simplement observer pour constater que : « La ville est faite pour un homme d’1 mètre 80. Bancs, chaises, tables… depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout est normé, à destination d’une personne athlétique, bien portante, sans handicap ».
Une inégalité souvent invisible, qui oblige les femmes à mettre en place dès leur plus jeune âge des stratégies d’adaptation pour prendre, voire conquérir, leur place au sein de l’espace public. « En pensant faire du neutre, les villes ont longtemps fait du masculin, reléguant, sans en être conscientes, les filles et les femmes à l’espace privé [...]. Or, c’est le mélange qui doit devenir la norme », analyse la géographe et spécialiste des questions d’égalité Édith Maruéjouls. Et de constater : « Dans les cours de récré [...], les filles n’ont pour elles que de petits espaces, ce qui les empêche de faire de grands jeux, de courir et de se déployer physiquement [...]. On retrouve la même dynamique dans l’espace public [...]. Il y a des zones d’évitement, où les filles intègrent très tôt qu’il ne faudrait pas sortir à certaines heures, dans certains endroits, habillées comme ceci ou comme cela... ».
Les villes aux initiatives inclusives, un palmarès inédit
Certes, les villes n’ont cessé de se redessiner, de se transformer, et même si les besoins des femmes et la nécessaire évolution d’un espace public plus égalitaire n’ont pas encore totalement percé dans la conscience collective, on peut observer depuis quelques années qu'une volonté politique et son corollaire d’initiatives ad hoc ont vu le jour çà et là pour rendre la ville davantage à « taille féminine ». Mais alors, à quoi ressemblerait la ville (presque) idéale pour une femme ? C'est justement ce que nous révèle le palmarès des 50 villes françaises les plus adaptées aux femmes, établi par le magazine Femme actuelle autour de quatre axes majeurs : l’offre de soins spécifiques, la sécurité, le cadre de vie et l’action des autorités municipales.
Strasbourg, femmes je vous aime !
Première de ce classement tous critères confondus, Strasbourg est la ville où il fait résolument bon vivre pour la gente féminine. Elle est suivie de Rennes et Bordeaux. Outre son cadre de vie particulièrement attractif, son charme indéfectible et une offre culturelle foisonnante, la capitale européenne se distingue par un taux de délinquance très faible et une offre de santé « aux petits soins » très variée. Œuvrant depuis plus d’une trentaine d’année en faveur de l’égalité des genres, Strasbourg s’est attelée au fil des ans à adapter l’aménagement des équipements publics pour tenir compte des besoins et contraintes des femmes, tout en multipliant les initiatives pour renforcer son engagement vis-à-vis de leurs droits. Avant-gardiste, sensible aux enjeux féministes et écologiques, la ville s’est d'ailleurs imposée comme un modèle « du genre ».
Pour Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, « C’est une très belle reconnaissance pour notre ville résolument féministe [...]. Il est temps de passer à la vitesse supérieure au niveau national avec une inscription dans la loi des innovations testées à Strasbourg, dont la budgétisation sensible au genre, l’ordonnance verte et le congé menstruel ! ».
Top 10, 24 heures dans les villes d’une femme
S’érigeant fièrement dans le Top 10 derrière la « ville de Noël », Rennes, Bordeaux, Lyon, Nantes, Dijon, Paris, Angers, La Rochelle et Tours se distinguent toutes pour leur engagement au service d’un espace public plus égalitaire. Sur les 50 villes scrutées à la loupe, des classements intermédiaires ont été établis sur la base de certains critères phares, qui font sens pour les femmes. Mention spéciale à :
- Nantes, Paris et Strasbourg pour leur volonté politique, un engagement fort pour l’égalité et le droit des femmes, et plus de parité au sein du personnel politique local.
- Paris, Montpellier, Bordeaux, Lyon, Rennes et Strasbourg pour l’offre de soins, l’abondance de professionnels de santé généralistes et spécialisés, ainsi que pour la présence d’hôpitaux universitaires (CHU) réputés.
- Nantes, Vannes et Rennes (au nord-ouest), et Toulouse, Montpellier, Aix-en-Provence et Marseille (au sud), pour leur qualité de vie, leur dynamisme culturel et leur emplacement géographique privilégié.
- Annecy, Colmar, Bayonne ou Antibes figurent en tête sur la question de la sécurité et du faible taux de délinquance, les femmes se sentant plus tranquilles dans ces villes à taille humaine que dans les grandes métropoles.
16e au classement général, Montpellier se hisse à la 2e place en matière d’offres de soins, notamment en raison d’un nombre impressionnant de gynécologues et de pédiatres libéraux, qui ont choisi d’y élire domicile.
Jeunes actives, mères ou grand-mères... Quand l'âge rebat les cartes
Et puisque les critères diffèrent considérablement selon les âges, le classement de Femme Actuelle a également fait le tri sur la base des besoins, préférences et modes de vie les plus courus selon 3 tranches d’âge :
- Strasbourg, Rennes, Nantes, Poitiers et Dijon cochent toutes les cases pour les femmes de 30 ans sans enfants, les deux dernières étant davantage attractives en matière de prix de l’immobilier.
- Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg et Nantes se hissent en tête du peloton pour les femmes de 30 à 50 ans avec enfants, dont les critères prioritaires sont l’offre de soins, les transports, les pistes cyclables ou encore le dynamisme économique.
- Annecy, Bayonne ou La Rochelle sont les villes les plus prisées des femmes de plus de 50 ans et des grands-mères avec petits-enfants, qui privilégient – sans surprise – un cadre de vie ensoleillé, paisible, peu pollué et riche en événements culturels variés.
Pionnière du féminisme urbain, Vienne s’est imposée comme un modèle de ville égalitaire en Europe et au-delà, en étant notamment la première ville à mettre en place la budgétisation sensible au genre.
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