Paris XVIIIe : Lamarck-Caulaincourt a volé la vedette aux Abbesses
Entre Montmartre et Barbès, le XVIIIe, à Paris, fait le grand écart en termes de prix immobiliers. Quentin Chandelon, gérant de Chandelon & Associés, nous détaille les spécificités de cet arrondissement à la fois chic et populaire.
SeLoger. Comment se porte l'immobilier dans le XVIIIe à Paris ?
Quentin Chandelon. Globalement, le marché de l’immobilier souffre d’un manque de confiance et de visibilité des acquéreurs. En effet, par ces temps de crise, qui peut encore être sûr d’avoir toujours le même emploi dans deux ans ? Et sachant qu’un acquéreur s’endette le plus souvent sur 20, voire 25 ans, la plupart d'entre eux réfléchissent à deux fois avant d’acheter, et parfois renoncent même à devenir propriétaires.
La baisse des taux d’intérêt n’aura donc pas suffi à booster les acquisitions immobilières ?
Q.C. D’une part, bien qu’ils aient effectivement été bas, les taux ont tendance à se relever. D’autre part, des taux d’intérêts bas favorisent essentiellement les primo-accédants en les aidant à se lancer. Mais pour ce qui est des secundo-accédants, c’est différent. Beaucoup de propriétaires, qui envisageaient de vendre leur bien pour en acheter un autre, ont ainsi estimé que ce n’était peut-être pas le bon moment pour vendre et ont finalement préféré mettre leurs projets en « stand by ».
Depuis trois ans, les prix dans le 18e se sont resserrés ».
Quentin Chandelon, co-fondateur et gérant de Chandelon & Associés.
Qu'en est-il du volume des transactions dans le XVIIIe ? A-t-il baissé au cours des derniers mois ?
Q.C. Si le nombre de transactions immobilières a baissé sur les dernières années, on constate toutefois que, depuis quelque mois, la situation semble s’améliorer. Mais cette amélioration doit beaucoup au pic de la demande saisonnière.
Aux Abbesses, les commerces bon marché côtoient désormais les boutiques « tendance ». À Pigalle, les sex-shops cèdent la place aux magasins bio. La « boboïsation » du XVIIIe a clairement eu un impact sur les prix de l’immobilier. Qu'en pensez-vous ?
Q.C. C’est évident mais depuis trois ans, on constate tout de même que les prix se sont fortement resserrés.
Quel est l'ordre de prix pour un 2 pièces de 60 m² dans le XVIIIe ?
Q.C. Tout d’abord, il est important de garder à l’esprit que pour ce qui est de l’offre imobilière dans le XVIIIe, on a le « meilleur » comme le « pire ». En clair, il s’agit d’un arrondissement qui compte non seulement les biens les moins chers de Paris mais aussi quelques uns des plus chers. Par conséquent, selon la partie du XVIIIe arrondissement où il sera situé, un appartement d’une soixantaine de m² coûtera environ entre 300 000 et 800 000 €. Encore une fois, dans le XVIIIe, les prix font le grand écart. Concrètement, pour un bien situé Porte de la Chapelle ou dans le quartier de la Goutte d’Or, le m² se négociera entre 5 000 et 6 000 €, alors qu’à Montmartre, si le bien est exceptionnel, le m² pourra dépasser les 12 000 €. La fourchette de prix est donc très large.
Quel serait le ticket d’entrée pour s’offrir une maison à Montmartre ? Du côté de la très prisée Villa Léandre, par exemple ?
Q.C. Pour une maison située sur la Butte, le m² oscillera entre 12 000 et 15 000 €. Dans Paris intra-muros, les maisons sont des biens rares et très difficiles à trouver. C’est pourquoi dans certains endroits tels que Montmartre, les prix s’envolent. Pour ce qui est de la Villa Léandre, les maisons qui s’y trouvent ne sont même pas sur le marché… Tout se fait de « bouche à oreille ».
S'il a été correctement estimé, en combien de temps un bien trouvera-t-il acquéreur dans le XVIIIe ?
Q.C. S’il est proposé au juste prix, un appartement se vendra dans un délai pouvant aller d’une semaine à un mois, mais la plupart des vendeurs ont tendance à surestimer leurs biens. Et même dans un secteur comme Lamarck-Caulaincourt qui est très à la mode en ce moment, un bien - s’il est surestimé – risque de mettre plus de temps à de se vendre qu’il ne le devrait.
Jules Joffrin offre un très bon rapport qualité-prix ».
Il faut compter entre 8 000 et 8 500 € du m².
Quel est le portrait-robot des acquéreurs dans le XVIIIe ?
Q.C. Il s’agit essentiellement de primo-accédants. En comparant leurs loyers avec des mensualités de remboursement, ils se disent qu’avec un montant équivalent, ils ont tout intérêt à cesser d’être en location et à devenir propriétaires. En revanche, on compte assez peu de secundo-accédants. En effet, beaucoup de propriétaires renoncent à leur projet après avoir comparé le prix auquel ils vendront leur bien avec celui qu’il leur faudra débourser pour en acheter un autre.
Entre Lamarck-Caulaincourt qui attire des acheteurs aisés et la Goutte d’Or qui est plus populaire, le quartier de Jules Joffrin semble être un bon compromis. Vous confirmez ?
Q.C. C’est exact. Des d’acheteurs qui n’auraient pas le budget nécessaire pour devenir propriétaires aux Abbesses ou à Lamarck pourront avantageusement se « rabattre » sur Jules Joffrin. Les biens qui y sont proposés offrent un très bon rapport qualité-prix. Dans ce secteur, il faut compter entre 8 000 et 8 500 € du m².
Un conseil au propriétaire d’un bien dans le XVIIIe et qui voudrait vendre ?
Q.C. J’ai pu observer que si les biens ont longtemps été vendus tels qu’ils étaient, ce n’est plus le cas actuellement. De plus en plus souvent, des travaux sont réalisés dans les appartements afin qu’ils se vendent mieux. De nombreux biens proposés dans le XVIIIe sont donc en très bon état. Car même si dans l’idéal, tout acheteur rêverait de faire faire des travaux afin que son appartement soit exactement à son goût, beaucoup optent finalement pour un bien ne nécessitant pas ou très peu de travaux. Et entre un appartement refait à neuf et un appartement nécessitant des travaux, la décote risque d’être importante.
Quels sont les biens les plus demandés (petites surfaces, grands appartements familiaux) ?
Q.C. On nous demande énormément de biens d’une surface allant de 15 à 35 m².
Pour quelle raison ?
Q.C. Tout simplement parce que ce sont les biens qui se vendent le plus vite et le plus facilement.
Lamarck-Caulaincourt est devenu « the place to be ».
C'est le quartier à la mode dans le 18e.
Les biens dont vous vous occupez font-ils souvent l’objet de négociations de la part des acheteurs ?
Q.C. Oui, de façon quasi systématique. Dans le XVIIIe, la marge de négociation est d’environ 5 % du prix de vente.
Quels sont les quartiers les plus prisés dans le XVIIIe ?
Q.C. Situé au pied de Montmartre, Lamarck Caulaincourt est très à la mode. Ce quartier est devenu « the place to be » dans le XVIIIe. On peut même dire qu’il a un peu volé la vedette aux Abbesses. Les prix y sont moins élevés que vers Abbesses ou Montmartre. Plus familial et moins cher que Lamarck, Jules Joffrin est aussi très demandé. Les budgets plus serrés s’orienteront, quant à eux, vers Marcadet-Poissonniers ou Château Rouge. Bien que très populaires, ce sont des endroits où l’on retrouve une vie de quartier et qui offrent l’avantage de ne pas être relativement centraux. Plus l’on se rapproche du périphérique (Porte de la Chapelle, Porte de Clignancourt, etc.), moins les logements sont demandés.
Sur quels quartiers du XVIIIe conseilleriez-vous à un investisseur de parier ?
Q.C. Tout dépend des objectifs de l’investisseur et des risques qu’il serait prêt à prendre. Souhaite-t-il réaliser une plus-value à court terme, à moyen terme ou à long terme ? Veut-il louer le logement ? Le revendre ? Pour un investissement le plus sécurisé possible, je conseillerais Montmartre. C’est un secteur qui ne perdra jamais de sa valeur, bien au contraire. En revanche, pour réaliser une plus-value avec un ticket d’entrée moins élevé, il faudra investir dans des quartiers plus populaires. Comme Château Rouge ou Max Dormoy, par exemple ou encore du côté de la Porte de la Chapelle où un vaste projet d’aménagement (Chapelle International, 900 logements et 30 000 m² de bureaux prévus, Ndlr) est sur le point de démarrer. Ce projet immobilier va fortement valoriser le quartier mais s’il veut faire une belle plus-value, l’investisseur ne devra alors pas envisager de revendre son bien avant une dizaine d’années environ.
Merci à Quentin Chandelon, co-fondateur et gérant de Chandelon & Associés.
Les points clés à retenir
- À Paris, le prix au m² signé d’un appartement ancien est de 8 371 € en moyenne.
- Dans le XVIIIe, le m² vaut aux alentours de 6 935 €.
- Sur le dernier trimestre, le m² dans le XVIIIe a progressé de 1,3 %.
(Source : Baromètre LPI-SeLoger).
Le Baromètre des prix immobiliers, à Paris, LPI-SeLoger juillet 2015
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