Expérimenté jusqu’en novembre 2026 à Paris, l’encadrement des loyers ne fait toujours pas l’unanimité. Selon une étude récente dévoilée par l'APUR et menée par l’équipe du CESAER (INRAE) en collaboration avec SeLoger, le dispositif aurait toutefois permis de contenir les hausses de loyers dans la capitale. Nous faisons le point.
L’encadrement permet de contenir la hausse des loyers
De nouveau en vigueur depuis juillet 2019, après une suspension de deux ans, l’encadrement des loyers a eu un véritable impact sur le marché locatif parisien. Selon l’analyse des données des annonces de biens proposés à la location sur SeLoger entre juillet 2019 et juillet 2023, l’encadrement des loyers a permis d’éviter en moyenne une hausse de 4,2% des loyers dans la capitale, par rapport à ce qu’aurait été la situation sans encadrement des loyers. La modération de la hausse imputable à l’encadrement des loyers s’élève même à 6,2 % pour les studios. Une bonne nouvelle pour les locataires parisiens, qui doivent faire face à un coût de la vie toujours plus élevé. Pendant cette période d’expérimentation de quatre ans, le loyer mensuel moyen constaté dans les annonces parues à Paris s’élève à 1 469 €. Sans le dispositif d’encadrement, le loyer mensuel moyen aurait été de 1 533 €. « L’encadrement des loyers a donc permis de réduire le niveau moyen des loyers parisiens de 64 € par mois, soit 772 € par an, tous types de logement et toutes localisations confondues. Ces résultats illustrent la capacité du dispositif à contenir la hausse des loyers », indique Martin Regnaud, data-scientist SeLoger, doctorant et membre du comité d’évaluation du CESAER.
Grâce à l’encadrement des loyers, les locataires parisiens ont pu économiser près de 800 euros par an.
À Paris, près de 40 % des loyers dépassent le loyer de référence
Si les effets positifs de l’encadrement des loyers sont certains, l’application du dispositif pourrait être optimisé. En effet, entre juillet 2022 et juin 2023, la part des annonces avec un loyer supérieur au loyer de référence s'élevait à 38 %. Certains propriétaires contourneraient les règles en appliquant des compléments de loyers pour des caractéristiques particulières des biens. « Nos travaux de recherche menés sur cette politique publique montrent que l’impact du dispositif aurait été deux fois plus important si tous les bailleurs avaient respecté l’encadrement en vigueur », selon Martin Regnaud. En outre, le caractère meublé ou non meublé des logements a un impact important sur la probabilité d’observer un loyer dépassant le seuil légal. « Entre juillet 2022 et juin 2023, 48,2 % des annonces de logements meublés dépassent le niveau de loyer de référence majoré, quand il est de 29,3 % pour les annonces de logements non meublés », précise Martin Regnaud. La surface des logements et leur localisation constituent également des facteurs importants sur la probabilité de constater un loyer dépassant le seuil légal. C’est dans le Nord-Est et dans le centre de Paris que nous constatons les taux de dépassement au loyer de référence majoré les plus élevés.
12 mois de travail pour mesurer l'efficacité du dispositif
Les résultats de cette étude, menée par l’équipe du CESAER (INRAE) en collaboration avec SeLoger, représentent plus de douze mois de travail et de partage de connaissances et d’analyses. « Les équipes scientifiques de SeLoger-Meilleurs Agents ont toujours été très proches du monde de la recherche. Au-delà de la modélisation des prix de l'immobilier et des tendances, nos travaux se déclinent sur des sujets tels que les mobilités observées suite de la crise sanitaire, les impacts du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) sur le marché, ou même les conséquences directes de l’application d’une politique publique comme celle que représente l’encadrement des loyers dans une ville », précise Martin Regnaud. Le pôle scientifique de SeLoger-Meilleurs Agents noue des partenariats ponctuels ou de plus long terme avec des chercheurs pour apporter plus de transparence sur le marché de l’immobilier. « Il y a 5 docteurs dans l’équipe et 5 thèses sont en cours, la mienne est au croisement de l’économie du logement et des politiques publiques, associant le CESAER à SeLoger-Meilleurs Agents. Cette thèse a pour objet d’analyser en temps réel les annonces de location et de vente, leurs consultations, les montant des loyers et des prix immobiliers ou encore les remontées des ventes par les agences partenaires ». Des données qui permettent d’évaluer la performance du dispositif d’encadrement des loyers, comprendre les effets du Covid sur le marché immobilier et de construire un indicateur de tension immobilière.
Encadrement des loyers : quelles perspectives ?
Alors que l'expérimentation de l'encadrement des loyers à Paris est censée prendre fin en novembre 2026, il est légitime de s’interroger sur l’avenir du dispositif. Si l’application de l’encadrement des loyers n’est pas optimale, les résultats restent malgré tout encourageants. La ville de Paris souhaite donc pérenniser le dispositif et envisage même de le renforcer en abaissant les plafonds de loyers pour mieux refléter la réalité du marché et en simplifiant les procédures de contestation des loyers excessifs. Dans les mois et années à venir, l’encadrement des loyers pourrait même être étendu à d’autres territoire. Actuellement, en dehors de Paris, le dispositif est notamment appliqué à Lille, Hellemmes et Lomme, Lyon et Villeurbanne, Montpellier, Bordeaux ainsi que dans deux territoires du Grand Paris (Plaine Commune et Est Ensemble). Si d’autres territoires candidatent (Grenoble, Rennes, Marseille…), l’encadrement des loyers n’est toujours pas appliqué dans la majorité des grandes villes. Par exemple, dans la Cité phocéenne, si l’encadrement des loyers est annoncé depuis près de deux ans, le décret permettant d’instaurer la mesure n’est toujours pas signé.
Actuellement, 24 communes au total appliquent l’encadrement des loyers en France.
Méthodologie : L’intégralité de l’étude sur l’encadrement des loyers est à retrouver sur le site de l’APUR. Annonces de location publiées sur SeLoger entre juillet 2019 et juin 2023. Réalisation CESAER pour l'APUR. En s'appuyant sur les annonces de location publiées sur SeLoger entre 2019 et 2023, nous comparons l’évolution des loyers à Paris et dans un groupe témoin de grandes villes appartenant à des “zones tendues”, qui ne sont pas régulées par un encadrement des loyers. Avant la période d'encadrement, ce groupe témoin reproduit les variations de loyers à Paris, il nous permet donc de reproduire l'évolution qu'auraient suivie les loyers parisiens en l'absence d'encadrement. Ainsi nous estimons pour chaque annonce le loyer à Paris si l'encadrement n'avait pas été mis en place. L'écart entre le loyer observé et le loyer "sans encadrement" nous donne l'effet de l'encadrement. Nous reproduisons ce calcul sur des périodes et segments spécifiques du marché pour étudier l’évolution des effets dans le temps et selon les types de bien. Nous montrons que l’efficacité augmente au cours du temps et que la politique est plus efficace sur les petits logements. Ces travaux sont réalisés en collaboration avec Marie Breuillé (directrice de recherche en économie à l’INRAE, CESAER), Julie le Gallo (professeure en économie à l’Institut Agro Dijon, CESAER), Camille Grivault (géographe, indépendant), Yoann Morin (chercheur post-doctorant en économie, CESAER) et Martin Regnaud (Data scientist et doctorant en thèse CIFRE SeLoger / CESAER) de l’UMR CEASER. Leur travail a été suivi par un comité d’orientation composé de représentants de l’Insee Île-de-France, de la Ville de Paris, des services de l’État en Île-de-France, de l’Observatoire des loyers de l’Agglomération parisienne (OLAP), de l’APUR et de personnalités qualifiées sur le sujet, dont Thomas Lefebvre (vice-président data SeLoger-Meilleurs Agents).
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