La généralisation du télétravail a structuré des modes de consommation différents et morcelé le temps d’achat au profit du commerce de proximité. La définition même de proximité dépend de son lieu d’habitation, ce qui tend à favoriser les pieds d’immeuble et les parcs d’activités commerciales.
Les projets en pieds d’immeuble très prisés
Le commerce de proximité fait partie des grands gagnants de la crise sanitaire et de la généralisation du télétravail et cela se voit sur le terrain. L’an passé, les inaugurations de centres commerciaux ont ralenti (moins de 100 000 m² en 2021 contre 330 000 m² en 2016) alors que les ouvertures de projets en pieds d’immeuble ont largement progressé (16 % des livraisons enregistrées en 2021 contre 4 % en moyenne entre 2015 et 2019), selon l’entreprise de conseil immobilier Knight Frank.
Emergence des néo-commerçants
Dans les ruelles des métropoles, des formats nouveaux ouvrent leur porte. « Nous observons un mouvement disparu depuis une quarantaine d’année, avec le redéveloppement de formats particuliers, comme les charcuteries, fromageries, poissonneries, les alimentations générales ou encore les superettes », indique Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce. Ce phénomène est visible depuis une petite dizaine d’années, mais selon l’expert, il tend à progresser ces derniers temps. « Les valeurs du consommateur ont changé. Il cherche à donner, quand il le peut, un sens nouveau à ses achats, alors qu’auparavant, son comportement était surtout guidé par le rapport qualité-prix, ce qui avait tendance à renforcer les centres commerciaux. Ce nouvel arbitrage sert le commerce local, les circuits courts, l’artisanat, le troc... »
Autre driver du marché : les commerçants eux-mêmes. « Nous assistons à l’émergence d’une nouvelle génération qui s’investit dans la démarche de quête de sens. 12 % des créations de commerces artisanaux sont le fait d’anciens cadres qui se sont réorientés, révèle Pascal Madry. Ces derniers maîtrisent les rouages d’Internet et n’hésitent pas à développer leur activité en boutique et sur le web. Les néo cavistes, néo boulangers... sont capables de développer un site web, de l’animer, de créer des événements sur leur point de vente et de proposer un service de retrait ou de livraison. »
D’ailleurs, selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), le nombre de sites marchands actifs a progressé de 12 % en 2020. Un mouvement salué par les consommateurs, puisque 68 % des e-acheteurs attendent des commerces de proximité en centre-ville qu’ils proposent la possibilité de commander sur le web. Ces commerçants d’un genre nouveau développent donc la vente sur Internet et le « click and collect ». Dans les boutiques, des aménagements bien spécifiques sont à prévoir. « C’est le retour du comptoir dédié, qui permet d’accueillir les personnes qui viennent retirer leurs achats au sein d’un espace d’accueil dédié et soigné », prévient Pascal Madry.
« Les valeurs du consommateur ont changé »
Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce
La proximité... une notion toute relative
Enfin, la crise sanitaire et l’émergence du télétravail ont perturbé les habitudes des consommateurs. « Les mobilités se réorganisent et les flux de consommation se redistribuent au profit de l’environnement domestique ce qui conduit à un émiettement du temps de courses, analyse Pascal Madry. Alors qu’auparavant, les consommateurs remplissaient leur caddie une fois par semaine, aujourd’hui ils fragmentent le temps passé à consommer, au profit des petits commerçants. »
Cela signifie que la notion même de commerce de proximité dépend de son lieu d’habitation. « C’est surtout une affaire de temps de trajet », rappelle Pascal Madry. Cinq minutes à pied pour un urbain, quelques kilomètres en voiture pour les péri-urbains ou les personnes habitant dans les zones rurales. « La périphérie a de beaux jours devant elle, prévoit Antoine Grignon, directeur du département Commerces chez Knight Frank France. D’autant que les couronnes périurbaines qui, ces dernières années, ont été les principales bénéficiaires de la croissance démographique, pourraient aussi être les grandes gagnantes des nouveaux parcours résidentiels des Français. Depuis le déclenchement de l’épidémie de Covid-19, la crise sanitaire a notamment donné un coup de boost aux achats de maisons individuelles. Cet engouement, s’il se confirmait, augure d’une croissance soutenue de la consommation en périphérie et donc d’une demande durable des enseignes pour des emplacements dans ces territoires.»
Le commerce de proximité y est constitué « de commerces dits « de rond-point », comme les boulangeries, les primeurs et les moyennes et grandes surfaces à proximité », détaille Pascal Madry. Il se constitue aussi « des centres commerciaux de moyenne surface, dotés d’une locomotive alimentaire adossée à une galerie marchande de 50 à 60 boutiques et des retails parks, ces centres commerciaux de plein air développés dans les années 2000 », complète Jean-Marc Peter, directeur général de Sofidy, gestionnaire de fonds immobiliers spécialisé en bureaux et commerces. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2021, le secteur du commerce a attiré 3,18 mds€ d’investissement (-30 % sur un an), dont 1,1 md€ sur les parcs d’activité commerciales. Selon Knight Frank, c’est la première fois depuis 2008 que ce segment a rassemblé la plus grande part des volumes, juste devant les rues commerçantes.
« La périphérie a de beaux jours devant elle »
Antoine Grignon, directeur du département Commerces chez Knight Frank France
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)