Katia Houga : « Pour l'immobilier, nous devrions revenir à une situation normale assez rapidement »
Après cette parenthèse de 2 mois, les agents immobiliers amorcent la reprise et mettent un pied dans « le jour d’après ». Pour Katia Houga, directrice de l’agence My Property, à Houilles, dans les Yvelines, les acteurs du marché sont majoritaires à vouloir vivre comme avant et à maintenir leurs projets.
Quelles répercussions la crise sanitaire pourrait-elle avoir sur le marché immobilier dans les Yvelines ?
Katia Houga. Avant tout, nous devons prendre en compte trois facteurs principaux liés à l’actualité du moment :
- En premier lieu, l’emploi : pour cela, le gouvernement a mis en place plusieurs aides pour les entreprises, à commencer par le chômage partiel.
- En second lieu, les taux bancaires : ils ont légèrement augmenté auprès de quelques établissements bancaires mais restent relativement bas par rapport à ce qu’on a pu observer il y a quelques années. La donnée bancaire est importante parce qu’elle conditionne le nombre de transactions.
- En troisième lieu, la confiance : puisque notre rôle sera de rassurer nos clients vendeurs vis-à-vis des acquéreurs en mettant en place un protocole sanitaire pour sécuriser les collaborateurs et les clients. Nous allons mettre en place le port du masque, la distribution de gel hydroalcoolique, et toutes les mesures préconisées par le SNPI.
Aujourd’hui, nous avons deux types de profils de clients distincts. La majorité d’entre eux, ce sont les clients qui veulent vivre majoritairement comme avant ou presque, c’est-à-dire poursuivre leur projet, venir en agence, faire des visites, etc. L’autre profil minoritaire parmi nos clients, ce sont ceux qui veulent se déconfiner progressivement, qui sont réticents aux anciens modes opératoires, c’est-à-dire se déplacer en agence, rencontrer les agents immobiliers, recevoir chez soi. Nous proposons donc à ces deux types de clients deux démarches différentes. Ceux qui veulent se rendre en agence et organiser les visites peuvent le faire en suivant une procédure définie, et ceux qui préfèrent ne pas se rendre en agence peuvent être accompagnés, car un travail à distance sera maintenu par l’agence : visio estimation, vente en ligne, visite virtuelle, nous mettons donc à leur disposition l’ensemble des outils digitaux.
La conséquence de la crise sanitaire a donc été d’abord l’arrêt du marché puisque les visites et les transactions ont été impossibles. Nous avons eu des difficultés à mener à bien un certain nombre de dossiers dans les délais convenus. Les offices notariaux n’étant pas rompus au travail à distance et aux signatures électroniques, nous avons essayé de développer les outils digitaux pendant le confinement. Globalement, ces deux mois ont été une parenthèse.
La deuxième conséquence de la crise, c’est qu’elle va entraîner une utilisation accrue des outils digitaux. Ce canal va se pérenniser entre nos clients et nous-mêmes. Ces outils étaient encore balbutiants mais ils vont entrer dans les mœurs. L’ensemble des acteurs de la profession va mettre en place des procédures de traitement à distance. Nous avons déjà accentué les outils digitaux pendant le confinement, ce qui nous a permis d’être plus proches de nos clients et de les accompagner tout au long de cette période difficile.
La troisième conséquence, c’est la mise en place de gestes sanitaires spécifiques qui va nous obliger à revoir notre méthode de travail et notre calendrier de travail. Nous allons devoir espacer les visites, limiter le nombre de personnes présentes pendant les visites, etc. L’ensemble des process, aussi bien acheteur que vendeur, va être un peu plus long qu’auparavant.
« La plupart des gens veulent revivre comme avant, mais quelques personnes vont modifier leur comportement vis-à-vis d’un processus d’achat ou de vente »
Katia Houga, directrice de l’agence My property à Houilles.
Doit-on s’attendre à une baisse des prix immobiliers à Houilles et à Carrières-sur-Seine ?
Pour nous, les constantes du marché restent identiques. Il y a toujours un déséquilibre entre l’offre et la demande, par conséquent, il n’y a pas de raison pour que l’on relève une baisse notable des prix. On peut penser qu’il y aura une stagnation du prix immobilier dans les Yvelines mais le marché reprendra assez rapidement, c’est certain. Les communes de Houilles, Carrières-sur-Seine, Sartrouville et Bezons, qui constituent notre secteur d’intervention, sont un marché de report pour les acquéreurs des départements de Paris et des Hauts-de-Seine, et cette tendance va perdurer. Le marché va garder une certaine attractivité et lors de nos appels téléphoniques pendant le confinement, nous avons constaté que nos clients ne voyaient pas le confinement comme une crise mais comme une parenthèse ou un arrêt temporaire.
Quels conseils donner à celles et ceux qui voudraient concrétiser rapidement leur projet ?
Notre conseil pour les acquéreurs est de s’assurer de leur financement auprès d’un établissement bancaire ou d’un courtier. Nous souhaitons que nos clients puissent s’assurer de leur plan de financement de manière très précise et qu’ils fassent valider ce plan de financement soit par un banquier, soit par un courtier avant d’entamer toute démarche, pour une raison très simple : les banques vont se montrer plus sélectives dans les mois qui viennent. 80 % des fiches de paie que les courtiers remettent aux banquiers dans le cadre du dossier d’emprunt vont être altérées par du chômage partiel ou par d’autres facteurs. Le revenu des emprunteurs va diminuer, les banquiers vont être très attentifs et vont privilégier les dossiers pour lesquels il n’y a pas de perte de revenus. La lecture des dossiers par les banques va être plus sélective, et lorsqu’elles verront du chômage partiel, elles vont certainement chercher à connaître la dimension de l’entreprise et la pérennité du revenu pour pouvoir octroyer un prêt sur une période de 20 à 25 ans.
Pour les vendeurs, nous leur conseillons de mettre en place, avec notre aide et notre accompagnement, un rétroplanning précis qui tienne compte de l’allongement des délais chez les différents intervenants. Des retards ont été pris dans les services d’urbanisme, chez les notaires, chez les déménageurs, chez les syndics de copropriété qui n’ont pas pu organiser les assemblées générales. Tout cela va allonger les délais de traitement, donc nous allons proposer à nos clients d’organiser avec nous un rétroplanning, qui comportera certainement 1 à 2 mois supplémentaires compte tenu des retards pris par les différents intervenants. Le moindre des intervenants, qui a pris du retard, entraîne des retards sur l’ensemble de la chaîne, donc nos clients ont besoin que nous mettions en place des plannings plus précis.
Post confinement, les biens avec un espace extérieur pourraient-ils bénéficier d’un regain d’attractivité ?
Les conditions du confinement vont certainement influer sur les critères de recherche de nos clients, il y aura sans aucun doute une demande accrue de biens bénéficiant d’un espace extérieur. Mais le marché est déjà tendu sur ce type de biens et cette tension va sans doute s’accentuer. Cependant, l’offre en face de la demande n’a pas augmenté, et ce sont donc plutôt les promoteurs qui vont intégrer dans l’architecture des appartements, davantage d’extérieurs. Nous pensons que c’est donc plutôt du côté des promoteurs qu’il y aura de nouveaux critères, puisque de notre côté, sur le marché immobilier, il y a toujours autant de biens avec des extérieurs, mais pas plus.
Katia Houga, directrice de l’agence My property à Houilles
« Jusqu’à aujourd’hui, les Français n’intégraient pas l’idée qu’ils puissent être obligés d’être enfermés chez eux 24h/24, et maintenant, ça va devenir un critère lors de la recherche immobilière »
En quoi la banalisation du télétravail pourrait-elle faire évoluer le rapport des Français à l’immobilier et modifier l’ordre de leurs priorités ?
Pour ce qui est de l’impact du confinement sur les projets de vie de nos clients, un bon nombre d’entre eux porte certainement un nouveau regard sur le logement étant donné que beaucoup ont été contraints de faire du télétravail. Certains se sont rendu compte qu’ils manquaient d’espace, d’autres ont pris l’importance d’avoir un logement baigné de lumière, sans vis-à-vis, apportant un certain confort. Il est donc probable que certains critères gagnent en importance : la luminosité, le calme, des espaces verts, une pièce en plus puisque le télétravail nécessite généralement la mise en place d’un bureau. On pourra donc avoir des demandes avec une pièce supplémentaire, mais cette réalité s’applique principalement à l’Ile-de-France où 70 % des personnes peuvent exercer en télétravail. Il y aura donc un marché propre aux grandes métropoles, parce que la mise en place du télétravail est plus difficile dans les secteurs ruraux.
La pandémie et le confinement ont contraint l’essentiel des Français à passer du temps chez eux, cela aura donc nécessairement des conséquences sur le regard qu’ils portent sur leur logement, et notamment la nécessité d’avoir un bien qui leur assure un certain confort en toutes circonstances. Il est donc légitime de se demander désormais « si je suis confiné(e), est-ce que je serai installé(e) confortablement dans ce logement ? ». Ce type de question, personne ne se la posait il y a seulement 3 mois.
En revanche, dans un premier temps, ces réflexions ne vont pas forcément changer les données, parce que vouloir une pièce de plus implique de bénéficier d’un budget plus élevé, et changer ses critères ne fait pas tout, il faut également avoir les moyens de ses projets. Donc si les critères changent mais que les revenus baissent, cela ne permettra pas d’observer un changement sur le marché dans les mois qui viennent.
Au sortir du confinement, l’immobilier sera-t-il, plus que jamais, une valeur refuge ?
L’immobilier constitue le patrimoine premier des Français, il est donc appelé à le rester. Plus important encore, l’immobilier est très différent de tout autre bien de consommation car il étroitement lié aux changements de vie de chacun. Tout le monde fait des projets, et le confinement n’aura pas raison de ces projets divers. Un couple qui s’installe, un enfant qui arrive, un divorce, une mutation professionnelle, tous ces changements de vie ne vont pas changer et donc le marché immobilier ne va pas changer tant que ça.
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)