Suite à la réforme du DPE, force est de constater que le marché de l’immobilier est entré dans un nouveau cycle. Mais sur le terrain, quelle est réellement l’incidence de la loi Climat & Résilience ? En quoi le fait que les règles du jeu aient été modifiées change-t-il la donne ? Et dans quelle mesure l’interdiction progressive de louer des passoires énergétiques influe-t-elle sur les projets des Français, tant à l’achat qu’à la location ? Autant de questions auxquelles nous nous sommes efforcés d’apporter des réponses concrètes, fiables et argumentées.
Le DPE, un marqueur énergétique incontournable
Alors qu’elle a pour objectifs affichés de combattre la précarité énergétique et de lutter contre l’habitat indigne en enjoignant (progressivement mais fermement !) les propriétaires de réaliser des travaux de rénovation énergétique dans leurs logements si les performances de ceux-ci se situent en deçà des seuils légaux, la loi Climat et Résilience d’août 2021 et la réforme dont a fait l’objet le DPE sont perçues comme injustes par bon nombre de bailleurs. Rappelons qu’à l’issue du DPE, une étiquette énergétique allant de la lettre A à la lettre G est attribuée au logement diagnostiqué, A désignant les biens immobiliers les moins consommateurs d’énergie et G les plus voraces.
Selon les chiffres que nous avons recueillis et analysés, en France, 17 % des logements sont des passoires thermiques (classés F et G). D’autre part, alors que ce sont quelque 200 000 biens immobiliers qui tombent aujourd’hui sous le coup de la loi Climat, à l’horizon 2028, 2 000 000 d’habitations seront dans son collimateur. Mais alors qu’il est contesté par certains, il est intéressant de constater que sur SeLoger, le DPE est un critère que les porteurs d’un projet d’achat immobilier prennent de plus en plus en compte. Peut-être même un jour rivalisera-t-il d’importance avec la localisation du logement ou encore avec sa configuration (superficie, nombre de pièces, exposition, luminosité…). Peut-être est-ce même parfois déjà le cas ? « Le DPE est devenu un critère aussi important que la présence d'un balcon ou d'un parking » indique Thomas Lefebvre, Directeur Scientifique-Aviv.
Enfin, si c’est en Île-de-France que l’on recense le plus de passoires thermiques en location (40 %), c’est dans le département de la Creuse (à égalité avec Paris) que les passoires énergétiques sont les plus nombreuses. Jugez plutôt, les logements classés F et G composent 35 % du parc immobilier creusois. Et c’est le département du Cantal qui vient compléter notre tiercé avec 32 % de passoires énergétiques.
Passoires : leurs propriétaires cherchent-ils à s’en défaire ?
Échaudés par la perspective conjointe de devoir réaliser des travaux de rénovation énergétique pour pouvoir continuer de les louer et de voir leurs biens se dévaloriser, certains propriétaires se sont résolus à se défaire de leurs logements. Alors qu’en 2020, la part de passoires thermiques proposées à la vente sur SeLoger se limitait à 11,2 %, elle est passée à 16 % en 2021 pour culminer à 19,2 % en 2022. À ce stade, il peut néanmoins être utile de préciser que cette hausse de la présence des passoires thermiques parmi nos annonces trouve - pour partie - son origine dans le fait que lesdites annonces sont de plus en plus renseignées en termes de consommation énergétique. Sur SeLoger, il est d'ailleurs possible de filtrer sa recherche immobilière par DPE.
D’autre part, la mise en place du nouveau mode de calcul du DPE a déclassé un nombre important de logements. Ce sont ainsi 8 % des biens proposés à la vente qui sont venus grossir les rangs des classes énergétiques F et G, faisant passer les effectifs de 4,7 millions de résidences principales énergivores avant le mois de juillet 2021 à 5,2 millions de passoires énergétiques en 2022. Jusqu’au monde rural où le nombre d’annonces de passoires thermiques a doublé en 1 an, passant de 15 % au 1er juillet 2021 à 26 % au 1er janvier dernier. Il ressort également des données que nous avons étudiées que la décision de se débarrasser d’un logement trop gourmand en énergie ne se cantonne pas aux seuls investisseurs locatifs (39 %). Des propriétaires de résidences principales (31 %) mais aussi de résidences secondaires (50 %) ont, eux aussi, proposé leurs biens à la vente alors que, n’eût été la réforme du DPE, ils les auraient probablement conservés.
Enfin, il est à noter qu’alors qu’à Paris où l’offre et la demande tendent à se rééquilibrer, les stocks de passoires thermiques augmentent, dans une ville comme Marseille où le marché immobilier fait actuellement montre d’un net dynamisme, les logements énergivores trouvent preneurs.
De combien un mauvais DPE réduit-il le prix d’un bien ?
Alors que la valeur verte désigne la plus-value potentielle que les bonnes performances énergétiques d’un logement permettent de dégager, à l’inverse, une passoire thermique est-elle réellement dévalorisée ? Et dans l’affirmative, à combien se monte la décote ? À la lecture des données que nous avons agrégées, on constate que les prix de vente des passoires thermiques sont, en moyenne, de 3,9 % moins élevés que ceux des biens mieux notés au DPE.
D’autre part, l’évolution des prix de vente des logements énergivores est plus lente que celle des biens plus vertueux. Depuis juillet 2921, les biens classés F et G ne voient leurs prix progresser que de 3,7 % alors qu’en ce qui concerne les autres biens, la hausse atteint 7 %. De plus, une mauvaise note au DPE constitue non seulement un frein aux visites mais aussi un levier de négociation. En clair, les prix des passoires thermiques tendent à être davantage négociés (5,6 % du prix de vente affiché) que ceux des logements affichant une classe énergétique supérieure (3,7 % du prix de vente)
La loi Climat a-t-elle déséquilibré le marché locatif ?
C’est un fait , les annonces en location sont moins nombreuses qu’avant. Mais ce recul est-il corrélé à la réforme du DPE ? D’une part, des propriétaires ont indéniablement décidé de vendre leurs logements plutôt que de financer des travaux de rénovation énergétique pour pouvoir conserver leurs permis de louer. D’autre part, la baisse du volume d'annonces s’explique aussi par la hausse des taux d’intérêt. En effet, privés de la possibilité d’accéder à la propriété, les locataires n'ont pas d'autre choix que de rester plus longtemps dans leur location, réduisant d’autant le turn-over et grippant le marché.
Sources :
- Annonces de maisons et d’appartements anciens en vente publiées sur le site SeLoger ainsi que de transactions conclues et communiquées par les agences partenaires Meilleurs Agents entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022.
- Étude réalisée du 20 décembre 2022 au 5 janvier 2023 sur un échantillon représentatif de la population française, avec un focus acheteurs, vendeurs, locataires, propriétaires et propriétaires bailleurs.
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)