Henry Buzy-Cazaux : « les économies ne sont pas à faire sur les aides personnelles »

Elisabeth Lelogeais
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Reconnu pour son expertise sur la problématique du Logement et pour l'indépendance du regard qu'il porte sur ses acteurs, Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers livre sans détour ses réflexions sur la politique du logement et sur les professionnels.

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Henry Buzy-Cazaux : « les économies ne sont pas à faire sur les aides personnelles »
Henry Buzy-Cazaux, Président de l'Institut du Management des Services Immobiliers. ©DR
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SeLoger. Avec la multiplication des observatoires, tendance que vous dénoncez depuis plusieurs années, l'opinion n'y voit pas clair sur la santé du marché de l'ancien. Quel regard portez-vous sur la situation ?

Henry Buzy-Cazaux. Je constate d'abord que, pour l'instant, les sources fleurissent, et qu'elles troublent en effet la lecture. On attend l'observatoire national des avant-contrats du notariat...qui peine décidément à voir le jour. Il sera le juge de paix. Deux constats sont indéniables néanmoins. D'abord, le marché de l'ancien est actif, et l'a été en 2014, malgré les craintes liées à la loi ALUR. Avec 725 000 transactions, le millésime se classe bien, et le mouvement continue en ce début d'année 2015. Ensuite, cette activité n'est soutenue que parce que les prix ont baissé partout, permettant aux ménages d'acquérir.

La baisse des prix va-t-elle se poursuivre ?

Certainement sur les marchés où elle a été plus tardive qu'ailleurs et plus modérée, tels ceux de Paris intra muros et première couronne. Elle se poursuivra en pente douce. Sur les autres, dans les villes moyennes en particulier, après trois années de correction, on est à un étiage. Le principe est simple: les prix doivent coûte que coûte se rapprocher des possibilités contributives des ménages, là où ils vivent.

2015 sera-t-elle une bonne année pour le marché de la revente immobilière ?

Je le crois. Des prix ajustés, et en tout des marges de négociation retrouvées pour les acquéreurs, des taux bas, une politique de distribution des crédits active, un report du neuf vers l'ancien parce que l'offre neuve est moins large qu'avant et que les prix sont moins adaptés aux moyens actuels des ménages, l'équation est heureuse pour le marché de l'ancien. Pour peu que les indicateurs de l'emploi s'améliorent, on pourrait viser 750 000 transactions.

Vous êtes le seul à ne pas taxer la loi ALUR de tous les maux. Persistez-vous, alors que même la majorité, dont la ministre a fait partie, désavoue sa loi ?

Il y a beaucoup de politique politicienne dans ce désaveu, et cela n'est pas mon domaine. Je regarde les choses en observateur attentif des ressorts du marché. Les discours professionnels ont crié au loup, et je maintiens qu'il n'y avait pas de quoi, même sur les deux mesures symboliques semi-enterrées, l'encadrement des loyers et la Garantie Universelle des Loyers. Les loyers sont baissiers depuis quatre ans, et seuls les excès auraient été réprimés par une bride règlementaire. En plus, le recours aux agents immobiliers et aux gestionnaires aurait été favorisé par un mécanisme exigeant une maîtrise des textes. Quant à la GUL il faudra bien réussir à sécuriser les bailleurs... Je constate d'ailleurs qu'au-delà de ces deux dispositions emblématiques, l'ALUR n'est pas détricotée...

Les discours professionnels ont crié au loup sur la loi ALUR. Les loyers sont baissiers depuis 4 ans et seuls les excès auraient été réprimés par une bride règlementaire ».

L'encadrement des loyers ne concerne que Paris

De nombreuses mesures viennent encadrer plus sévèrement les professions de transaction er de gestion. Votre avis ?

Un Conseil national, une Commission nationale de contrôle, une déontologie à force règlementaire, de la formation continue obligatoire, plus de transparence sur les honoraires, tout le monde y gagne. Les professionnels parce qu'ils auront la fierté d'appartenir à un corps plus organisé et plus rigoureux, à plus forte valeur ajoutée. Les ménages parce qu'ils pourront être plus rassurés...et du coup recourir davantage aux professionnels.

La relation entre copropriétés et syndics va-t-elle en sortir améliorée ?

Le contrat-type, le compte séparé, les honoraires forfaitaires, plus des missions délicates à la charge du syndic -comme de faire constituer une épargne pour les travaux et de la gérer, de réaliser un diagnostic global ou encore d'immatriculer les copropriétés-, ces mesures sont de nature à modifier l'image des syndics professionnels.

Le montant des honoraires va-t-il être réévalué ?

Le discours des organisations professionnelles est frileux en la matière. Le mien est catégorique: oui, et de façon importante. Il le faut. Deux raisons: les annexes disparaissent et c'est le forfait qui va devoir couvrir la totalité de la rémunération, à quelques lignes près, tels que les dépassements horaires en assemblée générale. Ensuite, les nouvelles missions confiées par la loi ALUR, qui alourdissent la tâche des cabinets. Si la communauté des syndics ne va pas dans ce sens, le risque de mortalité des entreprises est important. Je ne voudrais pas non plus voir réapparaître des pratiques condamnables et éradiquées, selon lesquelles un cabinet préfère solliciter un fournisseur plutôt que ses clients copropriétaires. Ce risque existe si les honoraires ne sont pas payés au juste prix.

La loi ALUR a-t-elle déséquilibré les rapports locatifs ?

Pas du tout. Elle n'a pratiquement rien touché en la matière. Elle a en revanche quasiment tué la vente à la découpe en protégeant encore plus les locataires occupants vis-à-vis des propriétaires d'immeubles entiers. La loi Aurillac avait largement amorcé le mouvement. Je constate que les acteurs s'en accommodent et procèdent à des ventes au fil de l'eau, au gré des libérations.

Le temps va réduire le fossé entre agents immobiliers et agents commerciaux et va effacer le clivage d'un autre âge ».

Il y a actuellement 35 000 agents immobiliers et 50 000 agents commerciaux.

Que pensez-vous de l'intention du gouvernement de supprimer les aides personnelles pour les accédants dans l'ancien ?

Les économies ne sont pas à faire là-dessus. Ces aides ont deux vertus: elles ne sont pas inflationnistes des prix, parce que ce ne sont pas des aides directes aux vendeurs mais des solvabilisateurs pour les accédants, et elles atténuent le taux d'effort des emprunteurs sur la durée de leur remboursement, en fonction de leurs revenus. Si elles ne sont plus versées, on poussera des ménages à revendre, à ne plus entretenir leur bien, et d'abord à consommer moins donc à pénaliser la croissance.

Venant de l'univers des agents immobiliers traditionnels, c'est-à-dire exerçant en agence, vous avez pourtant accueilli  favorablement le développement des réseaux de mandataires. Pourquoi ?

Parce que les nouvelles pratiques, lorsqu'elles ne désservent pas le consommateur, ne le mettent pas en danger, sont toujours intéressantes. Les réseaux recourent à des entrepreneurs individuels, dont le statut est éminemment moderne, connaissant bien leur territoire. Le modèle économique, avec de moindres charges de structure puisqu'il n'y a pas d'agence, est vertueux: il permet à la fois de mieux rétribuer l'agent commercial, et de maîtriser les honoraires payés par le client.

Je pense que les deux façons d'exercer vont se rapprocher: les agents immobiliers voient bien que les boutiques leur coûtent cher et qu'elles sont de moins en moins à l'origine des contacts, générés à 90 % par le net. A contrario, les tenants de la dématérialisation comprennent que des ancrages physiques servent à fédérer les agents commerciaux et incarnent la marque auprès du public, en le rassurant.

Pourquoi les syndicats d'agents immobiliers ne reconnaissent-ils pas cette pratique, et n'accueillent-ils pas dans leurs rangs les réseaux de mandataires ?

La mission de président de fédération est bien difficile: si vous avez des convictions un peu audacieuses, il faut encore les faire partager à votre entourage et aux élus de terrain... Le temps va réduire le fossé et effacer ce clivage d'un autre âge. D'ailleurs, des adhérents de la FNAIM, de l'UNIS ou du SNPI ont créé ou racheté des réseaux, à côté de leurs agences... Bossuet disait déjà: "Nous vivons une époque où toutes choses sont confondues." Quelques siècles avant la querelle entre les agents immobiliers et les réseaux de mandataires...

Henry Buzy-Cazaux

Agrégé de philosophie, diplômé de l'Essec, Henry Buzy-Cazaux a été délégué général de la FNAIM, a occupé des postes à responsabilité chez Foncia, Tagerim et Crédit Immobilier de France. Il est aujourd'hui président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, l'un des principaux établissements de formation initiale et continue pour tous les métiers de l'immobilier.

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