Vivre sur une péniche, long fleuve tranquille ou grosse galère ?

Laetitia Lapiana
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Vous avez pour projet de vivre sur une péniche ? Figure de proue de l’habitat atypique, la péniche n’est plus réservée aux seuls « pénichards » et autres inconditionnels de la vie fluviale. Citadins en mal de modes de vie alternatifs ou amoureux de l’eau désireux de larguer les amarres quand bon leur semble, nombreux sont aujourd’hui ceux qui cultivent le rêve d’habiter au ras de l'eau. Mais avant de vous mettre à la barre, il est indispensable de bien connaître les avantages et les inconvénients d’un tel mode de vie. Suivez le capitaine !

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péniches paris
Péniches amarrées au port de l'Arsenal à Paris Bastille. @ Getty
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Bateaux-logements, un marché de niche très convoité

Selon les estimations, on compte aujourd’hui plus de 2 500 péniches et autres bateaux habités et quelque 5 000 personnes qui ont élu domicile sur les berges de la Seine, de l’Oise, au bord de la Loire, de la Saône, de la Maine, du canal du Midi et autres canaux qui traversent moyennes et grandes villes de France. Présentes en majorité en région parisienne (60%), ces « maisons flottantes », que l’on nomme plus communément « péniches d’habitation » ou « bateaux-logements », représentent un marché immobilier de niche réservé à un petit nombre de privilégiés, aux profils pourtant très différents : du jeune couple aux retraités en passant par les familles en quête de plus d’espace en lisière des centres urbains.

Il existe différents modèles et marques de péniches habitables, mais le gabarit le plus répandu en France est le Freycinet (du nom de son architecte), d’environ 38,5 de long et de 5,5 m de large, offrant de vaste surfaces habitables pouvant aller jusqu’à 250 mètres carrés.

Une qualité de vie (aquatique) inégalée

Les Français sont de plus en plus nombreux à caresser le doux rêve d’un habitat fluvial. Une tendance qui a pris de l’ampleur avec la crise sanitaire et l’émergence du besoin irrépressible de recouvrer une sensation de liberté dans un cadre grandeur nature. Hyper attractif, le choix de s’installer dans une péniche compte une multitude d’atouts :

  • Une parenthèse enchantée au cœur ou proche de la ville, mais à l’écart de l’agitation ambiante.
  • Un cadre de vie unique et apaisant, rythmé par les saisons, le clapotis de l’eau, le calme et un dépaysement de tous les instants.
  • Des espaces extérieurs (dans la majorité des cas), avec une ou plusieurs terrasses offrant des vues imprenables sur les quais, la nature verdoyante, la féérie de la ville...
  • Un habitat individuel, sans problèmes de voisinage, sans copropriété et les contraintes qui vont de pair comme les assemblées générales, les charges collectives, etc.
  • La mobilité d’un habitat itinérant, avec la possibilité de larguer les amarres pour se laisser voguer au gré de ses envies.
  • À surface équivalente, un prix au mètre carré à l’achat sensiblement inférieur à celui d’un appartement classique.
  • Pas de frais de notaire ou d’acquisition – de 7 à 8 % du prix d’achat dans l’ancien –, la péniche n’étant pas considérée comme un produit immobilier mais relevant juridiquement de la catégorie des biens meubles.

Formalités et obligations réglementaires, les lois de l’eau

C’est sûr, la perspective de s’installer dans un bateau-logement peut vite faire chavirer les cœurs et les projets de vie de citadins en mal de liberté et d’évasion. Reste qu’avant de se jeter à l’eau, il est vivement conseillé de prendre en compte un certain nombre de contraintes et de formalités, l’achat d’une péniche étant très différent de celui d’un bien immobilier classique. À commencer par le fait que l’achat d’une péniche ne concerne que... la péniche, et pas son emplacement. Strictement réglementé, le stationnement d’une péniche sur les berges implique de répondre à divers aspects techniques :

  • Pour bénéficier d’un stationnement permanent à quai, il faut disposer d’une Convention d'occupation temporaire (COT) afin de « résider » dans une zone autorisée du domaine public fluvial, les règles variant selon les régions et d’un gestionnaire public à l’autre, comme les Voies Navigables de France (VNF).
  • La COT est délivrée moyennant une redevance de stationnement mensuelle ou annuelle, comparable à un loyer, et dont le montant varie selon le gabarit du bateau – une partie de la redevance étant proportionnelle à sa taille –, mais aussi selon les zones d’amarrage, dans des fourchettes allant de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros par an, la note pouvant facilement dépasser les 10 000 €/an dans des villes comme Paris.
  • Ces obligations techniques et financières considérées, cela ne suffit pas à avoir la garantie d’un emplacement  pour son logement flottant, la demande étant très forte et l’espace fluvial affichant souvent complet ! De fait, il faut parfois attendre de longs mois avant de décrocher le précieux sésame, surtout dans la capitale et les communes voisines.

Délivrée pour une durée de 5 ans renouvelable, une COT n’est en principe pas cessible au nouveau propriétaire d’une péniche, même si, dans les faits, il arrive souvent qu’un emplacement reste « réservé » à la péniche, y compris en cas de changement de propriétaires. Ce qui ne dispense pas de demander l'autorisation de stationnement pour rester dans la légalité.

Péniche : moins chère à l’achat, plus coûteuse à l’entretien

S’affichant à un prix d’achat au mètre carré jusqu’à 40 % inférieur à celui d’un appartement de surface équivalente et de même standing – état du bien, qualité de l’aménagement et des équipements... – la perspective d’investir dans une péniche habitable peut vite faire chavirer les cœurs de citadins en mal de liberté et d’évasion. Un atout de taille, mais qui ne doit pas dissimuler tout une liste de frais « cachés », largement supérieurs à ceux d’un bien immobilier classique.

Les frais d’entretien, très élevés, occupent le haut du panier. Un bateau requiert en effet des réparations et des rénovations fréquentes tant au niveau du confort des lieux, que pour préserver la qualité du navire et sa sécurité. Parmi les incontournables :

  • Effectuer une mise en cale sèche obligatoire tous les 10 ans, sorte de « contrôle technique » global par un expert agréé, afin de contrôler l’état de la coque et sa conformité. Un diagnostic dont le coût avoisinent les 10 000 €, hors travaux de réparations préconisés par le rapport d’expertise et qu’il faudra réaliser pour le renouvellement des autorisations d’usage.
  • Réaliser un carénage et un nettoyage global tous les 5 ans est aussi conseillé pour un entretien optimal du navire.
  • Traiter la surface de la partie émergée de la coque – ponçage, produits anticorrosion, peinture... –, est recommandé tous les 2 ou 3 ans pour limiter les risques de rouille.
  • Réaliser divers travaux de bricolage et de réparations annuels à différents niveaux : plomberie, électricité, isolation, canalisations, etc.

Avant tout achat, il convient de bien vérifier que les travaux d’entretien obligatoires ou non ont bien été effectués par l’actuel propriétaire, qui devra vous fournir les rapports d’expertise et autres attestations à l’appui des réparations réalisées. Si vous optez pour une péniche apte à la navigation, pensez également à vérifier qu’elle est bien immatriculée et qu’elle dispose d’un titre de circulation en cours de validité.

On le voit bien, l’entretien d’une péniche est à budgéter en amont d’un achat pour éviter les mauvaises surprises et se donner les moyens de préserver sa valeur dans le temps. Et question de prévoir « large », autant provisionner les charges et autres frais annexes comme l’assurance (plus élevée que pour une habitation dans la pierre), le gasoil, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe foncière pour les bateaux-logement non naviguant et, a contrario, la vignette VNF ou taxe fluviale à régler par les bateaux navigants, à condition d’avoir obtenu son permis de naviguer, obligatoire pour les gabarits de plus de 20 mètres de long !

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