Promulguée le 19 novembre 2024, la loi Anti-Airbnb propose aux mairies une boîte à outils pour mieux réguler l’activité des meublés de tourisme sur le territoire. Dans les stations de montagne, où ces logements prolifèrent, les maires ne comptent pas forcément l’utiliser. Cap sur l’Alpe d’Huez, Chamrousse et Vaujary pour mieux comprendre.
La manne financière des locations sur plateforme
Les avis des maires des communes de l’Isère divergent quant à une régulation plus stricte de l’activité des meublés touristiques. Un constat : plus ils sont économiquement dépendants des locations de court séjour, plus ils se montrent réticents à utiliser les moyens offerts par la loi Le Meur pour réguler cette activité. Il faut dire que les retombées financières pour les mairies sont significatives.
Airbnb, Abritel, Booking : nombreux sont les investisseurs à avoir été séduits par la location de meublés de tourisme en montagne. Ces logements sont devenus « incontournables », comme l’explique Cécile Arsenne, chargée des meublés touristiques à la mairie de l’Alpe d’Huez. Au point de représenter plus de 2 000 locations par semaine et de générer « 530 000 euros de taxe de séjour, toutes plateformes confondues, contre 445 960 en 2023 », précise-t-elle.
Même son de cloche du côté de la mairie de Chamrousse, où les locations de courte durée représentent 20 % du total des taxes de séjour. « Ces locations sont au cœur de notre économie, on ne peut pas faire sans elles », avance la maire, Brigitte de Bernis. Elle redoute même les conséquences de la diminution de l’abattement fiscal, de 71 % à 50 %. « Le risque, c’est que la location devienne moins intéressante et que les propriétaires arrêtent de louer, ou louent de manière occulte », s’inquiète-t-elle.
Si la taxe de séjour constitue une source de revenus non négligeable pour les mairies, les plateformes génèrent aussi des effets pervers pour les résidents et les saisonniers.
La pénurie de résidences principales
À Chamrousse, « 90 % des logements sont des résidences secondaires louées par intermittence » révèle Brigitte de Bernis. Des chiffres presque identiques à l’Alpe d’Huez (89,4 %) et à peine plus faibles pour Vaujary (81,4 %). Conséquence ? La pénurie de résidences principales pour les habitants et une « difficulté croissante pour loger les saisonniers », admet Yves Genvois, maire de Vaujany.
« Aujourd’hui, comme les propriétaires rénovent leurs appartements, ils les mettent sur le marché touristique qui est bien plus rentable », observe Jean-Yves Noyrey. Il voit donc d’un bon œil le nouveau texte qui vise à mieux encadrer la location de meublé de tourisme.
Car derrière la tension sur le marché immobilier se cache également un enjeu environnemental. « On souffre d’un manque d’habitats permanents or, avec le réchauffement climatique, on devra penser notre économie à l’année et donc avoir plus de résidents annuels », estime Jean-Yves Noyrey, maire d’Huez. Il a d’ores et déjà prévu dans le Plan Local d’Urbanisme (PLU) des zones réservées à la construction de résidences principales, comme le lui autorise la loi Anti-Airbnb.
L’abaissement des nuitées de 120 à 90 : hors de question !
Autre possibilité offerte par la loi Le Meur : l’abaissement des nuitées de 120 à 90 pour la location de la résidence principale. Les trois maires refusent d’appliquer cette mesure, pour permettre aux résidents d’obtenir un complément de revenus grâce à leur habitation.
Reste l’épineuse question de la rénovation énergétique des logements. La nouvelle loi rend en effet obligatoire la réalisation d’un DPE pour pouvoir louer le bien. Or en montagne, quelque 50 % des logements sont des passoires thermiques, normalement interdites à la location.
Les maires avancent avoir « déjà anticipé la transition énergétique » sur leur parc immobilier. « Nous sommes déjà en pleine politique de rénovation, donc nous ne sommes pas concernés par cette mesure, mais c’est une bonne chose », assure la maire de Chamrousse.
À voir si les investisseurs continueront de louer en saisonnier ou s’ils préfèreront à l’avenir se tourner vers la longue durée !
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