Maître Marie Letourmy : « La loi ALUR encadre désormais la division pavillonnaire »

Blandine Rochelle 26 sep 2017
Partager sur
FacebookTwitterLinkedin

Pas moins de 40 % des logements issus de la divison pavillonnaire sont comptés dans certaines communes de Seine-Saint-Denis. Nous avons interrogé Maître Marie Letourmy, avocate au cabinet Cornet Vincent Segurel sur cette pratique qui tend à être davantage encadrée.

Image
Maître Marie Letourmy : « La loi ALUR encadre désormais la division pavillonnaire »
La division pavillonnaire peut être légale si elle respecte la loi. © Marc Vérin

SeLoger. Tous les pavillons peuvent-ils être divisés ? Existe-t-il une liste de travaux qui permet de considérer que le pavillon est divisé dans les règles ?

Maître​ Marie Letourmy. Il n’existe pas de liste de travaux obligatoires en matière de division pavillonnaire ni de critères spécifiques permettant la division d’une propriété bâtie. Néanmoins, l’article L. 111-6-1 du Code de la Construction et de l’Habitation proscrit notamment :

  • Les divisions par appartements d’immeubles qui sont frappés d'une interdiction d'habiter, ou d'un arrêté de péril, ou sont déclarés insalubres.
  • Toutes les divisions d'immeuble en vue de mettre à disposition des locaux à usage d'habitation d'une superficie et d'un volume habitables inférieurs respectivement à 14 m² et à 33 m3, ou qui ne sont pas pourvus d'une installation d'alimentation en eau potable, d'une installation d'évacuation des eaux usées ou d'un accès à la fourniture de courant électrique, ou qui n'ont pas fait l'objet de diagnostics amiante en application de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique et risque de saturnisme lorsque l'immeuble est soumis aux dispositions de l'article L. 1334-5 du même code.

Par ailleurs, certains plans locaux d’urbanisme (à Lille par exemple) imposent la création de places de stationnement par nombre de logement créé. Au-delà, en cas de logements créés et donnés à bail, s’appliquent les règles relatives à la mise en location (notamment le décret décence cité ci-dessus). Il échet également de relever que si les lots divisés sont destinés à la location, il est nécessaire de faire installer un nouveau compteur électrique par logement.

La revente d’électricité est interdite et le bailleur ne peut facturer lui-même la consommation d’électricité à son locataire à partir d’un sous-compteur. Chaque locataire doit posséder son propre contrat d’électricité ».

Maître Marie Letourmy, avocate en droit immobilier au cabinet Cornet Vincent Segurel

Justement pour éviter les dérives de la division pavillonnaire, comment différencier un logement décent d'un logement insalubre ?

Il s’agit de deux notions juridiquement distinctes qui relèvent, pour la première, des relations contractuelles entre le bailleur et le locataire et est soumise à l’appréciation des tribunaux judiciaires et, pour la seconde, d’une procédure administrative. Tout logement insalubre est indécent mais tout logement indécent n’est pas insalubre. La notion de décence s’apprécie eu égard à la conformité du logement à des caractéristiques minimales de confort et d’équipement mais également de règles relatives à la sécurité et à la salubrité. L’insalubrité relève de la compétence du préfet et implique une dégradation d’un logement telle qu’elle s’associe à des effets de danger ou de péril. Elle concerne donc les menaces pour la santé ou la sécurité des occupants. Une situation d’insalubrité s’avère plus grave que le non-respect des conditions de décence. Il existe un certain nombre de critères d’appréciation de l’état d’insalubrité. En présence d’un logement insalubre, le préfet prend un arrêté d’insalubrité qu’il notifie au propriétaire, ce qui entraîne une obligation de relogement des occupants.

Référence juridique

Le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 dit « décret décence » définit les caractéristiques d’un logement décent.

Alors quelles sont les démarches à effectuer lorsque l'on souhaite diviser un pavillon ?

Jusqu’à la loi ALUR, aucune réglementation n’encadrait la division d’une propriété bâtie dès lors que celle-ci ne nécessitait pas une autorisation d’urbanisme (permis de construire ou déclaration de travaux en cas de modification de l’aspect extérieur ou de création de surface supplémentaire). Cependant, et face à la volonté de lutter contre l’habitat indigne, résultant notamment de division pavillonnaire avant mise en location de logements effectuée par les « marchands de sommeil » dans des conditions parfaitement illégales, la loi ALUR du 24 mars 2014 a introduit plusieurs dispositions permettant d’encadrer :

  • Les travaux en vue de diviser un immeuble.
  • La mise en location préalable qui peut s’appliquer à un pavillon divisé.
  • La demande d’autorisation de travaux en vue de diviser un immeuble en logements (article L. 111-6-1-1 et suivants du CCH).

La nécessité d’une telle autorisation préalable peut être instituée par l’EPCI (établissement public de coopération intercommunale) compétent en matière d’habitat ou par le conseil municipal dans certaines zones. Cette formalité peut être instaurée dans les zones qui présentent une proportion importante d’habitat dégradé ou dans lesquelles l’habitat dégradé est susceptible de se développer. Toutefois, si les travaux de division, du fait de leur importance et leur nature, nécessitent une autorisation administrative (permis de construire ou déclaration), celle-ci vaut autorisation de division. De la même manière, l’EPCI ou le conseil municipal peut soumettre à autorisation ou déclaration préalable de mise en location la faculté de donner à bail un logement dans des zones présentant une proportion importante d’habitat dégradé. Chaque délibération instituant cette exigence d’autorisation ou déclaration préalable définit les catégories et caractéristiques des logements qui y sont soumis et qui peuvent donc être des logements résultant d’une division pavillonnaire.

Référence juridique

  • La demande d’autorisation préalable et de déclaration de mise en location est régie par l'article L. 635-1 et suivants du CCH.

Y a-t-il une copropriété qui se crée lorsque l'on divise un pavillon ?

Pas nécessairement. Si l’auteur de la division de sa propriété reste propriétaire des différents lots créés, aucune copropriété ne se crée. En revanche, s’il cède une partie de la propriété et que l’on se trouve en présence de deux propriétaires, dans cette hypothèse le pavillon devra être soumis au statut de la copropriété. A noter toutefois que si un propriétaire d’une maison divise celle-ci en deux dans le sens de la hauteur et forme ainsi deux logements séparés, ayant deux entrées distinctes, et qu’il cède une des deux habitations avec la propriété du sol sur laquelle elle est édifiée, on se trouvera en présence non d’une copropriété mais de deux immeubles mitoyens.

Une fois que le pavillon est divisé, qu'est-ce qui le distingue d'un immeuble collectif ?

Une fois le pavillon divisé, il n’y a pas de différence avec un immeuble collectif.

Qui peut s'opposer à la division d'un pavillon ? (mairie, voisinage, autres ?)

En l’absence de règlementation spécifique, il ne peut y avoir d’opposition liée à la seule division du pavillon. En revanche, dans les zones pour lesquelles une autorisation préalable est instituée, celle-ci peut être refusée pour les motifs suivants :

  • Non-respect des interdictions posées à l’article L. 111-6-1 du CCH.
  • Existence d’un risque pour la sécurité des occupants ou la salubrité publique.
  • Non-respect des dispositions du PLU.

Les voisins n’ont pas d’action contre la division en elle-même mais, en cas de nuisances excessives causées par les conditions d’occupation des logements divisés, ils pourraient alerter la mairie ou introduire une action sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ».

Maître Marie Letourmy, avocate en droit immobilier

La division d’un pavillon a-t-elle des conséquences au niveau fiscal ?

Il convient de déclarer aux impôts toute division de la propriété, laquelle constitue un changement de consistance. En effet, celle-ci modifie nécessairement l’assiette fiscale et le calcul des taxes foncière et d’habitation.

Comment se déroule l'achat/revente ? Y a-t-il des règles et des démarches spécifiques ?

Si le bien divisé est vendu dans son intégralité à un seul et même acquéreur, il n’existe pas de démarches spécifiques. En revanche, en cas de vente d’une partie de la propriété, l’immeuble deviendra alors soumis au statut de la copropriété. Il conviendra alors de faire passer un géomètre expert, préalablement à la vente, aux fins de faire dresser un état descriptif de division et d’établir un règlement de copropriété.

Quels sont les risques encourus pour ceux qui ne respectent pas les règles inhérentes à la division pavillonnaire ?

L’article L. 111-6-1 du CCH édicte des sanctions pour toute personne qui met en vente, en location ou à la disposition d’autrui des locaux destinés à l’habitation et provenant d’une division interdite. Celle-ci encourt les peines suivantes : 2 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende pour une personne physique avec la possibilité d’une peine complémentaire (l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales). Pour l’absence de demande préalable d’autorisation à la location quand elle est exigée, une amende peut être également prononcée et est au plus égale à 15 000 €. Elle est ramenée à 5 000 € en cas d’absence de déclaration préalable de location. Mais l’amende est portée à 25 000 € en cas de nouveau manquement dans un délai de 3 ans.

Image
Maître Marie Letourmy, avocate
Maître Marie Letourmy est avocate en droit immobilier au cabinet Cornet Vincent Segurel, et intervient dans les domaines de la construction et des contentieux de la vente immobilière.
Cet article vous a été utile ?

Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)

Partager sur
FacebookTwitterLinkedin
Plus de conseils
Ces articles peuvent vous intéresser
A la une !
Image
Le toit est une partie commune, mais qui peut faire l'objet d'un droit de jouissance privative. © simonkr - Getty images
Réglementations
Votre immeuble bénéficie d’un toit-terrasse qui vous permettrait de profiter de moments en plein air ? Si le toit est systématiquement une partie commune, il est nécessaire de s’assurer qu’il ne fait...