Grâce au portage immobilier solidaire, des propriétaires en grande difficulté financière vendent leur bien à des investisseurs particuliers, et peuvent continuer de l’occuper moyennant le versement d’un loyer mensuel. Christian Lachaux, co-fondateur de StayHome nous parle de cet investissement pas tout à fait comme les autres.
Se Loger. Le principe de la vente avec faculté de rachat existe déjà, il s’agit de la vente à réméré. Pouvez-vous nous dire en quoi le portage immobilier est-il différent ?
Christian Lachaux : La différence du portage immobilier par rapport à la vente à réméré est énorme. En réalité, le seul point commun entre la vente à réméré et le portage immobilier, c’est le côté positif de l’annulation d’une vente par un rachat. Ce qu’il faut savoir c’est que lorsque l’on vend à réméré, on ne rachète pas son bien : il s’agit en réalité d’une annulation de la vente qui a été réalisée précédemment, ce qui a pour conséquence l’absence de paiement de droits de mutation lorsque l’on rachète le bien. Donc le rachat, ou plutôt l’annulation de la vente du bien, entraîne donc un coût de 2 % de frais de notaire seulement, contre 7 % dans le cas d’une vente classique. En revanche, la vente à réméré a eu mauvaise réputation car elle a été beaucoup utilisée par des marchands de biens qui usaient de taux usuraires.
Pourquoi vous n'avez pas simplement souhaité vous lancer dans la vente à réméré ?
En réalité, nous avons pratiqué la vente à réméré pendant des années, et nous avons voulu apporter un côté éthique à cette opération. Nous ne faisons absolument pas la charité à des personnes en difficulté, en revanche nous sommes là pour faire en sorte que ces personnes retrouvent un équilibre financier en soldant l’intégralité de leur dette grâce à la vente de leur bien, mais nous sommes là aussi pour que les investisseurs s’y retrouvent : le rapport doit être équilibré. Nous avons donc considéré qu’un rendement annuel de 6,5 % était honnête pour les investisseurs, et acceptable pour les vendeurs. Et parallèlement, nous mettons en place des garanties pour les vendeurs qui ne sont plus en mesure de racheter leur bien. Lorsque le cas se présente, nous avons prévu la possibilité de trouver un nouvel acquéreur au meilleur prix.
Bon à savoir
Les biens immobiliers qui font l'objet d'un portage immobilier sont vendus en moyenne 25 % en dessous de leur valeur marché.
Et pourquoi les vendeurs en difficulté auraient-ils intérêt à vendre leur bien par le biais du portage immobilier plutôt qu’en le vendant de façon classique ?
Tout d’abord, lorsque nous recevons des dossiers, nous étudions très précisément la situation des personnes, et nous nous assurons notamment qu’elles souhaitent réellement redevenir propriétaires de leur bien à l’issue de la période de portage. En revanche, l’immense majorité des personnes qui font des demandes de portage sont très attachées à leur bien immobilier pour diverses raisons : elles craignent notamment de vendre à perte ou d’avoir des difficultés à se reloger. C’est pour toutes ces raisons que les vendeurs préfèrent conserver leur bien et réaliser une opération de portage immobilier, qui ne dure jamais très longtemps. Car même si la durée peut s’étendre à 5 ans, ils rachètent généralement dans les 2 à 3 ans maximum.
Avec le recul que vous avez, pouvez-vous nous dire quelle est le volume de dossiers qui se déroulent sans encombre ?
Sur le portage immobilier tel que nous l’avons mis en place il y a 2 ans, nous n’avons pas encore énormément de recul. Mais parmi les dossiers traités, nous savons que 85 % des biens vendus en portage ont été rachetés dans les délais impartis par les propriétaires initiaux. Les autres ont été soit prorogés, soit les biens ont été vendus avec un complément de prix au profit du vendeur initial, pour pallier la différence de valeur.
Avez-vous des difficultés à trouver des investisseurs dans le contexte actuel ?
Aujourd’hui non, parce que pour l’investisseur, le portage immobilier a énormément d’atouts. D’abord parce qu’il achète le bien en-dessous de sa valeur, or actuellement, nous observons un marché immobilier difficile car la plupart des biens sont vendus en produits de défiscalisation qui se vendent au-dessus du prix du marché, ce qui s’explique par les honoraires, les intermédiaires, etc. Or, avec nos opérations de portage, un investisseur achète un bien environ 25 % en-dessous de sa valeur marché.
Nous n'avons conservé que le point positif de la vente à réméré, à savoir le principe d'annulation de la vente qui entraîne l'absence de paiement des droits de mutation ».
Christian Lachaux, co-fondateur de StayHome.
Quel est le statut de l'investisseur une fois qu'il devient Porteur ?
Nous avons fait un montage qui implique que l’investisseur devient propriétaire-bailleur en bail meublé, ce qui va lui permettre de bénéficier d’une fiscalité très avantageuse puisqu’elle correspond quasiment à une annulation totale de la fiscalité sur les revenus locatifs meublés. Il obtient donc un rendement de quasiment 6,5 % net d’impôt, selon son financement. S’il paie comptant, pendant les 3 premières années de portage, son rendement sera net d’impôt et ensuite il y a aura un peu de fiscalité, mais s’il a besoin d’un financement bancaire, il n’y a plus aucune fiscalité puisqu’il peut déduire les intérêts d’emprunt des revenus locatifs. Le portage immobilier offre donc d’une part une sécurité des capitaux pour les investisseurs, et d’autre part, ce concept leur propose une approche éthique, et ils apprécient de savoir qu’ils aident des personnes en difficulté à s’en sortir.
Que pouvez-vous répondre aux personnes qui soupçonnent que les porteurs profitent du malheur des personnes en difficultés ?
Tout d’abord, nous ne faisons pas de la charité et nous n’avons jamais affirmé le contraire. Nous essayons de ne pas trop employer le terme « solidaire », car certains peuvent penser que solidarité, rime avec gratuité. Nous proposons de l’investissement éthique et responsable, mais nous ne sommes pas une association pour autant. Dans notre approche, les investisseurs placent de l’argent, et le côté éthique de l’opération réside dans le fait qu’ils s’engagent à revendre le bien au même prix que celui auquel ils l’ont acheté : si le vendeur a vendu son bien à 100 000 €, il ne paiera que 12 000 € de plus pour rembourser les honoraires StayHome et les frais de notaire, rien de plus, quel que soit le délai de portage. Il s’agit donc d’un placement qui aide des personnes à s’en sortir, et c’est ce que nous disent les investisseurs qui veulent remettre l’humain au cœur de leur projet.
Chiffres clés
- 85 % des biens vendus en portage ont été rachetés dans les délais impartis par les propriétaires initiaux.
- Un vendeur rachète généralement son bien dans les 2 à 3 ans après la vente.
Jouez-vous également un rôle de médiation entre le vendeur et l’investisseur en cas de problème ?
Absolument, nous suivons le dossier durant tout le temps que dure le portage, et nous allons suivre la gestion locative lorsque c’est nécessaire, en particulier lorsqu’il y a plusieurs investisseurs pour un même bien. Si le vendeur nous dit qu’il est en mesure de racheter, nous nous occupons de lui trouver des partenaires financiers pour l’aider à trouver le financement nécessaire pour le rachat de son bien. S’il nous dit à l’inverse qu’il ne peut pas le racheter, nous allons lui trouver un nouvel acquéreur pour lui permettre de toucher un complément de prix. Côté investisseur, si l’un d’entre eux nous dit qu’il ne souhaite pas poursuivre le portage, nous pouvons dans certaines conditions lui substituer un nouveau porteur pour le remplacer. Mais j’avoue que cela ne s’est encore jamais produit à ce jour.
Vous avez émis une levée de fonds pour lancer votre nouvelle plate-forme de crowdbuying (achat participatif), pouvez-vous nous en parler ?
Nous nous sommes rendus compte ces dernières années qu’un certain nombre d’investisseurs venaient nous voir en nous disant qu’ils avaient 10 000, 15 000 ou 20 000 € à placer mais qu’ils ne pouvaient pas souscrire à un crédit immobilier. Nous n’avions rien à proposer à ces personnes car nos dossiers concernent des biens plus onéreux. Depuis février, nous avons donc mis en place notre nouvelle plate-forme de crowdbuying qui permet à plusieurs investisseurs d’intervenir ensemble sur l’achat d’un bien immobilier qu’ils achètent en indivision. Chacun devient donc propriétaire d’une quote-part du bien, et si par exemple un investisseur est propriétaire de 20 % des parts, il perçoit 20 % du montant du loyer tous les mois.
Et cette indivision, comment est-elle encadrée ?
Cette opération est régie par une convention d’indivision qui s’étend sur toute la durée de l’indivision. Cette convention fixe certaines règles, et elle permet notamment de prévoir une solution si par exemple le vendeur ne rachète pas son bien et ne trouve aucun autre acquéreur pour percevoir un complément de prix. Dans ce cas, les indivisaires peuvent vendre le bien, mais l’un des indivisaires peut également racheter le bien. Avec notre nouvelle plate-forme d’investissement participatif, nous prenons part au développement des FinTech qui utilisent des modèles économiques innovants et disruptifs, visant à traiter des problématiques existantes de l’industrie des services financiers.
Merci à Christian Lachaux, co-fondateur de StayHome.
Les points clés à retenir
Pour palier à des difficultés passagères, des propriétaires peuvent vendre leur bien à des investisseurs et rester dans leur habitation contre un loyer. Une fois leur situation financière épurée, et à l’issue de la période de portage convenue lors de la vente, les anciens propriétaires peuvent racheter leur bien.
La rédaction vous conseille :
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)