En cas de litige avec son propriétaire bailleur, le locataire est parfois tenté de suspendre le paiement de ses loyers pour se faire entendre. Mais en a-t-il le droit ? Quels sont les risques encourus en cas de non-paiement du loyer de la part du locataire ?
Un locataire ne peut pas cesser de payer son loyer
La loi dispose strictement que le locataire est tenu de payer son loyer aux termes convenus, quelle que soit sa revendication ou quel que soit le litige qui l’oppose à son bailleur. Cette règle est établie selon un principe simple : personne ne peut se faire justice soi-même. Ainsi, même si le locataire estime que le logement nécessite des travaux que le bailleur tarde à exécuter, cette règle s'applique. Ce type de cas a d’ailleurs été jugé plusieurs fois et les locataires n’ont jamais obtenu gain de cause ! En effet, les jugements sont rarement favorables aux locataires qui cessent de payer leurs loyers. Mieux vaut le savoir et se faire entendre d’une autre façon, sous peine de s’en retrouver sanctionné...
Les risques encourus en cas de non-paiement des loyers
Si le locataire ne paie pas ses loyers à cause d'un différend avec le propriétaire-bailleur, il risque de se voir infliger certaines sanctions. Tout d’abord, il s’agit de relire le bail de location. La grande majorité des baux contiennent une clause qui prévoit la résiliation du bail en cas de défaut de paiement des loyers. C’est la principale sanction qui peut être infligée à un locataire qui cesse de payer ses loyers et le bailleur pourra exiger le respect de cette clause par le biais d’un huissier de justice. Ensuite, si le locataire dispose de la caution locative d’un tiers (un parent par exemple), le bailleur peut se retourner directement vers lui pour être payé.
Si le locataire perçoit une aide au logement telle que l’APL, le propriétaire aura également la possibilité de signaler et de réclamer le paiement de ses loyers auprès de l’organisme qui verse les prestations au locataire au bout de 2 loyers non perçus. Dans ce cas, l’organisme pourra également se retourner contre le locataire. Dans le cas d’une action en justice intentée par le propriétaire, le tribunal pourra ordonner la résiliation du bail et le paiement de la totalité des loyers impayés par le locataire dans un délai imparti.
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3 solutions pour régler un litige avec son propriétaire bailleur
Si un litige vous oppose à votre propriétaire-bailleur, ne prenez pas le risque de suspendre le paiement de votre loyer, vous risquez fort d’être sanctionné et il vous sera difficile de vous faire entendre par la suite dans le cadre de vos revendications, car vous serez discrédité. Mais pas de panique, il existe des recours vous permettant de vous faire entendre auprès de votre bailleur et de régler le litige qui vous oppose à lui.
1. Saisir la Commission Départementale de Conciliation
Si le litige qui vous oppose à votre propriétaire bailleur concerne un logement non meublé, vous pouvez saisir la Commission Départementale de Conciliation (CDC), qui se charge d’arbitrer les litiges en essayant de trouver une solution à l’amiable. La saisine de la Commission Départementale de Conciliation est totalement gratuite et elle vous permet de rencontrer votre bailleur en présence d’un conciliateur et de décider d’une solution satisfaisante pour les deux parties. Pour saisir la CDC, rien de plus simple : il vous suffit d’envoyer un courrier en recommandé avec accusé de réception à la CDC de votre département mentionnant :
- Vos coordonnées.
- Les coordonnées de la partie adverse.
- L’objet du litige.
2. Bloquer les loyers
Dans le cadre d’un différend avec votre propriétaire bailleur, vous avez également la possibilité de saisir le juge d’instance afin de lui demander l’autorisation de consigner les loyers sur un compte bloqué à la Caisse des Dépôts et Consignations. De cette façon, vous restez en règle car vous continuez de verser vos loyers, mais le propriétaire s’en retrouve sanctionné par le fait qu’il ne peut pas les percevoir.
Avant d’envisager le blocage des loyers, vous pouvez envoyer une lettre de mise en demeure, recommandée avec accusé de réception, au bailleur, afin de l’avertir de votre projet de bloquer les fonds. Cela l’incitera sûrement à engager une discussion avec vous. Dès lors qu’une solution satisfaisante pour les deux parties sera trouvée, les fonds bloqués seront alors débloqués pour être reversés au propriétaire-bailleur.
3. Intenter une action en justice devant le Tribunal d’instance
Si vous n’obtenez pas satisfaction malgré les moyens mis en œuvre pour obtenir ce que vous revendiquez, vous avez toujours la possibilité de saisir le Tribunal d’instance (TI) pour intenter une action en justice ordinaire. N’envisagez cette action qu’en dernier recours, car la procédure peut durer plusieurs mois et s’avérer onéreuse, en particulier si la demande est ensuite renvoyée vers la Cour d’Appel puis vers la Cour de Cassation. Si vous souhaitez engager une procédure judiciaire, vous devrez saisir le tribunal d’instance du lieu où se situe le logement.
Un seul cas peut permettre le non paiement du loyer
Il existe toutefois un seul cas qui exonère le locataire du paiement des loyers ou qui lui permet, en tous cas, de ne pas être sanctionné. Il s’agit des cas de logements inhabitables (insalubrité, problème menaçant la santé des occupants etc.). Ainsi, lorsque le logement est à ce point inhabitable que le locataire serait dans l’impossibilité stricte de vivre dans les lieux, il est possible de suspendre le versement de vos loyers. En revanche, les locataires se doivent d’être prudents en invoquant cette exception d’inexécution liée au caractère inhabitable du logement, car les tribunaux en retiennent une définition stricte et tous les locataires, dont les cas ont été jugés, n’ont pas obtenu gain de cause, loin s’en faut.
Pour que le logement soit considéré comme étant inhabitable, certains critères d'insalubrité doivent être réunis. Jusqu’à présent, les tribunaux ont par exemple retenu les éléments suivants pour justifier de l’insalubrité des lieux :
- Un logement qui présente une telle humidité que le locataire a dû quitter les lieux.
- Un logement dépourvu de chauffage, d’eau chaude et dont le dispositif de ventilation de la cuisine n’est pas aux normes en vigueur.
- Un logement déclaré inhabitable par un rapport d’expertise en raison d’une extrême humidité, d’une installation électrique très dangereuse, d’un risque d’incendie et d’électrocution et d’une insuffisance de chauffage.
Les juges se fondent sur des éléments très stricts pour justifier du caractère inhabitable d’un logement, autorisant le locataire à l’arrêt du paiement des loyers. Ces éléments représentent (heureusement) des cas très rares, il ne s’agit donc pas d’invoquer l’exception d’inexécution à la légère, car de nombreux locataires ont vu leur demande rejetée.
Retirer des loyers sur la caution au moment du départ n’est pas non plus acceptable du point de vue des juges, il vaut toujours mieux engager une procédure amiable ou judiciaire afin d’obtenir gain de cause.
Le locataire peut-il obtenir une compensation de loyers ?
Il peut exister des cas dans lesquels le locataire peut obtenir une compensation de loyer. C’est le cas si le locataire réalise une avance de frais sur des réparations qui incombent normalement au propriétaire. Si par exemple un volet roulant ne fonctionne plus, qu’un professionnel vient le réparer et qu’il indique que la panne était due à la vétusté, le propriétaire doit alors théoriquement accorder une compensation sur le prochain loyer du locataire.
Le locataire peut-il résilier le bail de location ?
La non-décence d’un logement, une installation électrique qui représenterait un danger ou tout autre cas de force majeure qui représenterait un manquement grave et susceptible de mettre en danger le locataire est non seulement un motif d’arrêt de paiement du loyer, mais également un motif de rupture du bail. Le locataire doit cependant avertir le propriétaire des difficultés rencontrées et des éléments qui rendent le logement insalubre avant son départ et adresser une mise en demeure d’exécuter les travaux.
Les 3 point clés à retenir
- Le locataire n’est jamais autorisé à cesser le versement de ses loyers, sauf dans le cas d’une exception d’inexécution liée au caractère inhabitable du logement, extrêmement rare et qui répond à des critères interprétés strictement par les juges.
- Si vous cessez de payer vos loyers, vous encourrez le risque de voir votre bail résilié et/ou que le bailleur se retourne contre le tiers qui vous cautionne ou l’organisme qui vous verse une prestation d’aide au logement.
- Il existe des solutions pour se faire entendre en cas de litige avec le bailleur : saisir la CDC, demander la consignation des loyers sur un compte bloqué à la Caisse des Dépôts et Consignations ou saisir le tribunal d’instance.
- Article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 disposant que le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
- Arrêt de la Cour d’Appel de Douai du 3 juin 2004 confirmant que le locataire ne peut se prévaloir du paiement des loyers.
- Arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse du 15 novembre 2005 évoquant l’absence de fondement de la part du locataire pour invoquer l’exception d’inexécution.
À retenir | Comment bloquer ses loyers légalement ?
Pour bloquer votre loyer légalement, notifiez d'abord par écrit les problèmes à votre bailleur, collectez des preuves, faites appel à un médiateur, saisissez la commission de conciliation, et si nécessaire, engagez une action en justice.
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