La rentrée universitaire 2024/2025 s'annonce difficile pour de nombreux étudiants, en particulier à Strasbourg, où la crise du logement atteint un point critique. Alors que les places en résidences universitaires se font rares et que les loyers pour des appartements ou des colocations deviennent inaccessibles pour des budgets serrés, de plus en plus d'étudiants se tournent vers une solution temporaire : les auberges de jeunesse. Face à l'absence de réponse du Crous et à l'augmentation du coût de la vie, cette alternative devient une nécessité, voire une dernière chance, pour ceux qui veulent poursuivre leurs études, sans retourner chez leurs parents.
Une crise du logement étudiante qui s’aggrave
Si les étudiants à Strasbourg ne sont pas les seuls touchés par la pénurie de logements, la ville illustre bien l'ampleur du problème. En 2024, la Fédération des étudiants d'Alsace (Afges) a signalé une augmentation des coûts de rentrée de 2 à 3 %, portant le total des frais à plus de 3 156 € pour un étudiant non boursier, en première année. Toutefois, ce ne sont pas les frais généraux qui posent le plus de problèmes : le manque de logements abordables place en effet les étudiants dans une situation de précarité. Le parc locatif du Crous en Alsace ne dispose que de 5 503 places pour une population étudiante de 87 000 personnes dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, selon l'Académie de Strasbourg.
Cela laisse des milliers d’étudiants sans solution pérenne pour se loger. Ceux qui ne parviennent pas à obtenir une place en résidence universitaire sont forcés de se tourner vers le marché locatif privé, où les loyers sont souvent inabordables pour des étudiants disposant de revenus modestes ou d’aides limitées. C'est ce que Carla Mejean, étudiante en troisième année d’anthropologie, a vécu : avec un budget de seulement 400 €, elle n’a trouvé aucune location abordable et a dû se résoudre à loger temporairement dans une auberge de jeunesse.
Les auberges de jeunesse : une solution temporaire, mais coûteuse
Face à l’urgence, de nombreux étudiants n’ont pas d’autre choix que de se réfugier dans les auberges de jeunesse. L'Afges a pris des mesures pour aider ces étudiants en situation de crise, en finançant temporairement des nuits en auberge. Le dispositif couvre jusqu’à 11 nuitées, mais la demande est bien plus forte que l’offre disponible. « On a dépassé les 400 demandes d’abris d’urgence », explique Chloé Hayd, présidente de l’Afges.
Les auberges de jeunesse, bien qu’offrant une solution immédiate, ne sont pas une option viable à long terme. D'une part, elles ne sont pas conçues pour des séjours prolongés, en raison de leurs espaces communs peu adaptés aux études et d'un manque d'intimité. D'autre part, leur coût, bien qu’inférieur à celui de certains loyers dans le privé, reste un fardeau financier pour les étudiants. À 20 ou 30 € la nuit, la facture s’élève rapidement pour ceux qui ne trouvent pas de logement permanent.
Laurène Lita-Iccia, étudiante arrivée du Gabon pour sa première année en lettres modernes, se retrouve ainsi à partager une chambre d'auberge avec trois autres étudiants dans la même situation. Malgré de nombreuses sollicitations auprès du Crous, elle reste sans réponse. Comme elle, beaucoup craignent que cette situation transitoire ne s’éternise, rendant leurs études d'autant plus difficiles.
« On finance 44 places d’hébergement en auberge, mais dans les faits, on a dépassé les 400 demandes d’abris d’urgence. »
Chloé Hayd, présidente de l’Afges à l’AFP
L'impact de la crise immobilière et des loyers élevés
La crise du logement étudiant s’inscrit dans un contexte immobilier tendu à l’échelle nationale. Les grandes villes françaises sont frappées par une augmentation générale des loyers, en particulier pour les petites surfaces, prisées par les étudiants. Selon l'UNEF, Paris reste la ville la plus chère, avec un coût mensuel moyen de 881 € pour un logement étudiant, en 2023. D’autres grandes villes, comme Lyon (592 €) ou Bordeaux (582 €), affichent des loyers qui dépassent largement le budget moyen d’un étudiant.
Cette augmentation des loyers est couplée à une pénurie générale de logements sur le marché privé. Le rapport de l’AIRES publié en 2021 signalait déjà un manque de 250 000 logements étudiants... Une situation qui n’a fait qu’empirer depuis. La raréfaction des locations, accentuée par la lutte contre les passoires thermiques, limite encore plus l’offre locative disponible pour les étudiants. Les propriétaires préfèrent vendre leurs biens plutôt que de les rénover pour les remettre sur le marché. Ils contribuent ainsi à cette crise.
Une aide gouvernementale insuffisante
Face à cette crise grandissante, le gouvernement a tenté de réagir. En 2023, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur à cette époque, avait promis une augmentation du nombre de logements sociaux étudiants afin de ne pas freiner la poursuite des études. Le parc actuel compte 240 000 logements étudiants, dont 175 000 gérés par les Crous. Malgré cela, ces mesures demeurent insuffisantes au vu de l'ampleur des besoins.
Les 30 000 nouveaux logements Crous livrés depuis 2017 ne suffisent pas à combler le manque. Le gouvernement avait promis un total de 65 000 nouveaux logements d’ici la fin du mandat présidentiel actuel, ce qui demeure aujourd'hui incertain. Cependant, la demande dépasse toujours largement l'offre, même avec ces nouvelles places. Seuls les étudiants boursiers, représentant une minorité, peuvent espérer obtenir une place en résidence Crous.
Des conséquences sur la réussite universitaire
L’impossibilité de se loger à proximité de leur université a un impact direct sur la réussite des étudiants. Beaucoup, comme Carla, sont contraints de faire des allers-retours entre leur ville d’origine et leur lieu d’études, perdant ainsi un temps précieux en transport. D’autres, plus chanceux, trouvent un hébergement temporaire, mais instable, comme les auberges de jeunesse, qui ne leur permettent pas de se concentrer pleinement sur leurs études.
Le manque de stabilité et la précarité financière des étudiants risquent de devenir un frein majeur à la poursuite d’études, alors que le système éducatif français cherche à attirer toujours plus d’étudiants étrangers et à augmenter ses capacités d'accueil. Si des mesures plus radicales ne sont pas mises en place rapidement, le nombre d'étudiants contraints d'abandonner leurs études pourrait croître.
« La situation est dramatique pour les étudiants, et 90 % d’entre eux vivent avec moins de 1 000 € par mois. »
Isabelle Larochette, fondatrice de la Fondation I Loge You à SeLoger
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