Vous êtes propriétaire colotis d’un lotissement privé dont les espaces verts ont fait l’objet d’une rétrocession au profit de la commune. Vous vous interrogez sur les éventuels projets qui pourraient porter sur ces espaces verts.
Cession d'espaces verts : rétrocession conditionnelle
Avant toute chose, il faut signaler que le transfert de propriété des espaces verts dans le patrimoine privé de la commune peut être initié de deux manières :
- à l’amiable via une convention de transfert conclue entre l’aménageur et la collectivité au moment du dépôt et de l’instruction du permis d’aménager. Dans cette hypothèse, le transfert intervient une fois les travaux achevés ;
- ou après la réalisation du lotissement et à la demande des colotis.
Dans tous les cas de figure, la rétrocession des espaces verts nécessite la signature d’un acte authentique sous la forme notariée ou administrative
Les personnes publiques ont le choix entre deux types d'actes authentiques pour l’acquisition ou la cession de biens immobiliers :
- l'acte notarié
- et l'acte en la forme administrative.
De plus, l’opération nécessite la réalisation des mesures de publicité foncière opposables à l’égard des tiers.
Pour en avoir la confirmation, n’hésitez pas à vous rapprocher du service de la publicité foncière.
Généralement, les espaces verts constituent des espaces communs d’un lotissement identifiés comme tel au sein du règlement ou du cahier des charges du lotissement.
Si tel est le cas, les espaces verts d’un lotissement demeurent des espaces communs et ce, malgré leur transfert dans le patrimoine de la commune.
Les documents du lotissement dressent la liste de tous les espaces communs dont les colotis peuvent disposer (voies, réseaux, espaces verts etc.).
La qualité de personne publique propriétaire des espaces verts d’un lotissement privé ne lui confère pas pour autant le droit de les désaffecter partiellement ou totalement.
En effet, si elle a pu accepter le transfert amiable de ces espaces, elle ne dispose pas pour autant du pouvoir unilatéral de les affecter à des projets de construction ou d’aménagement, de les supprimer ni même de les céder à un tiers.
Par conséquent, la commune doit assurer la pérennité des espaces verts tout en en assurant la charge et notamment l’entretien régulier.
Changement d'affectation : l'avis des colotis est requis
Le Code de l’urbanisme pose le principe selon lequel les dispositions applicables au lotissement en matière d’urbanisme « ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes. ».
Aussi, pour préserver la pérennité des parties communes dont les espaces verts font généralement partie, le législateur impose que leur désaffectation via une modification des documents du lotissement ne puisse être décidée qu’après avoir recueilli la majorité requise des colotis.
En ce sens, les espaces verts du lotissement peuvent faire l'objet d'une procédure prévue à l'article L. 442-10 du Code de l'urbanisme, c’est-à-dire la commune doit réunir « […] la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d'un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l'acceptent » pour pouvoir prononcer « la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable.
Jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'achèvement du lotissement, la modification […] ne peut être prononcée qu'en l'absence d'opposition du lotisseur si celui-ci possède au moins un lot constructible. ».
En qualité de colotis, vous pouvez donc vous opposer au changement d’affectation et maintenir les espaces verts dans leur fonctionnalité d’origine.
En définitive, si les espaces verts peuvent être transférés à la commune et intégrer son patrimoine immobilier privé, cette dernière a tout intérêt, par anticipation, à n’accepter le transfert de propriété que si les colotis renoncent expressément aux droits qui grèvent ces équipements communs. Ce n’est qu’en cas de renonciation de leur part que les espaces verts peuvent échapper aux contraintes inhérentes aux règles de droit privé propres au lotissement.
L’acte de cession des espaces verts du lotissement peut vous renseigner sur le devenir des espaces verts ainsi que sur la nécessité ou non d’une désaffectation avec l'accord préalable des colotis en application de l'article L. 442-10 du Code de l'urbanisme.
En tout état de cause, indépendamment de cette procédure, la commune dispose toujours de la possibilité de recourir à l’expropriation pour cause d’utilité publique, laquelle doit être néanmoins motivée par la réalisation d’une opération d’intérêt général.
Références juridiques
- Article L442-9 et L442-10 du Code l’urbanisme ;
- R 442-8 du Code de l’urbanisme ;
- RM n°90049 publiée au JOAN du 13/09/2016 ;
- RM n°03567 publiée au JO Sénat le 11/10/2018 ;
- CAA de Bordeaux, 2 février 2023, n° 21BX00781.
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