Béguinage et habitat inclusif : bien vieillir, comme chez soi, sans être seul

Selon les estimations de la Drees, en 2030, les séniors de plus de 60 ans seront 21 millions – soit 3 millions de plus qu’en 2019 – tandis que pour l’Insee, les seniors seront plus nombreux à cette échéance que les jeunes de 15 ans. Une première historique ! Face au vieillissement de la population et aux carcans du grand âge – solitude, rupture de lien social, perte d’autonomie et problèmes de santé –, il importe plus que jamais de trouver une alternative aux maisons de retraite et aux établissements d’accueil. À la suite du scandale Orpea et autres affaires de négligence et de maltraitance touchant les Ehpad, nombreux sont les seniors et leurs proches à chercher d’autres solutions pour vieillir dignement chez soi ou « comme à la maison ».

Si le choix d’un établissement ou d’une résidence dépend grandement du niveau de dépendance du sénior et du nombre de places disponibles dans les établissements de type médico-social, il existe nombre de lieux de vie intermédiaires pour les plus autonomes ou en légère perte d’autonomie, comme les résidences services pour seniors ou encore les résidences autonomie, mais pas que... Un autre concept, vieux de plusieurs siècles, a récemment refait surface en fanfare pour le plus grand bonheur des séniors adeptes de la vie communautaire, mais désireux de disposer d’un vrai « chez soi ». C’est le béguinage, un nom peu commun, tout comme les lieux de vie qu’il regroupe et les valeurs qu'il porte...

Historiquement, le béguinage remonte au Moyen-Âge ; il abritait alors des femmes célibataires ou veuves (les Béguines) au sein de communautés religieuses. Très présents dans le Nord de l’Europe, notamment dans les Flandres, en Belgique et aux Pays-Bas, ces lieux de vie en communauté étaient constitués de rangées de petites maisons, reliées entre elles par des cursives et regroupées autour d’une église, sa cour et son jardin. Si l’esprit communautaire demeure aujourd’hui intact, le béguinage s’est offert une seconde vie, en réinventant les codes de l’habitat partagé alternatif pour personnes âgées, avec une gestion et une organisation bien spécifiques.

Inclusif, partagé, participatif, ce type d’habitat propose des logements individuels privatifs, ainsi que des espaces, des activités et des services partagés pour favoriser le lien et la vie collective. Contrairement aux résidences de services, les structures de béguinage se distinguent par leur vocation sociale, avec un projet davantage fondé sur l’entraide et la solidarité que sur le luxe et l’hyper-confort.

Ouverts aux budgets modestes et très modestes, ces ensembles immobiliers à taille humaine comprennent généralement une trentaine de logements inclusifs tout au plus, pavillons ou appartements, tous de plain-pied et dotés d’équipements et d’aménagements adaptés aux séniors et à leur sécurité. Des espaces communs – salles de détente, de loisirs et autres jardins partagés – offrent la possibilité aux « Béguins » de s’adonner à des activités de groupe, à des échanges et des services mutuels pour rompre la solitude. Chaque résident est d’ailleurs invité à faire preuve d’initiatives et de créativité pour rompre la monotonie du quotidien et faire prospérer la « cité », en multipliant les projets collectifs et les dispositifs d’entraide selon ses goûts et savoir-faire – jardinage, potager, bricolage, repas communautaires, ateliers thématiques, sorties culturelles –, voire des initiatives au niveau de la vie du quartier.

Contrairement aux résidences-autonomie et autres établissements de soins, les centres de béguinage ne sont pas médicalisés. Ils permettent toutefois de bénéficier de services externes et d’aide à domicile (ménage, aides et diverses assistances du quotidien), tout en favorisant le maintien à domicile le plus longtemps possible pour couler de vieux jours heureux ! Ces « villages » communautaires innovants sont plébiscités par les seniors de tout âge ; il n'y a aucune restriction particulière sur ce critère, d'autant que certains sites misent sur l'intergénérationnnel. Ils leur permettent de vivre en toute indépendance une « 3^e vie » riche de sens, d’activités et de partage dans un environnement qui favorise le bien-être ensemble, la convivialité, le soutien mutuel, tout en préservant l’intimité de chacun.