La fiscalité des locations meublées, en particulier touristiques, est au cœur d’un débat, car elle semble jouer un rôle central dans la pénurie de logements disponibles à long terme. Un rapport parlementaire récent, rédigé par la députée Annaïg Le Meur, met en lumière les conséquences des régimes fiscaux avantageux pour les propriétaires de meublés touristiques, ce qui favorise cette forme de location au détriment des locations nues.
Un régime fiscal trop avantageux pour les locations meublées
Selon un rapport rendu par la députée Renaissance Annaïg Le Meur, la fiscalité des locations meublées, qu’elles soient de longue durée ou touristiques, est bien plus avantageuse que celle des locations nues. En effet, pour un propriétaire qui perçoit jusqu’à 15 000 € de revenus locatifs annuels d’un logement nu, un abattement de 30 % est appliqué. En revanche, pour un bien loué meublé sur une longue durée, cet abattement passe à 50 % pour des revenus pouvant aller jusqu’à 77 700 € par an. Pour un meublé de tourisme classé, le propriétaire peut même profiter d’un abattement de 71 % sur des revenus allant jusqu’à 188 700 €.
Ces différences sont très attractives pour les propriétaires, qui y voient une opportunité d’optimiser la rentabilité de leurs investissements. Mais cette situation déséquilibre le marché en faveur des meublés, au détriment des locations nues, moins avantageuses fiscalement. Cette inégalité encourage de plus en plus de propriétaires à opter pour la location meublée, réduisant ainsi l’offre de logements disponibles à la location longue durée.
La montée en flèche des offres de meublés touristiques
Entre 2019 et 2023, le nombre de logements proposés sur les plateformes de réservation, telles qu'Airbnb, a augmenté de 40 %, passant de 855 000 à 1 190 000. Cette explosion des offres de locations touristiques meublées est en grande partie due à la fiscalité attractive, qui encourage les propriétaires à préférer ce type de location. Le rapport de la députée souligne également que cette fiscalité favorable pour les meublés n'existe nulle part ailleurs en Europe, faisant de la France un cas particulier en la matière.
Ce phénomène a un impact direct sur l’offre de logements accessibles pour les habitants des zones tendues. Dans de nombreuses villes, les salariés et les familles locales peinent à trouver des logements abordables car les biens disponibles sont de plus en plus détournés vers la location touristique. Le rapport cite même des exemples marquants, comme à Paris dans le 3e arrondissement, où l'offre de meublés touristiques est 25 fois plus élevée que celle des logements classiques.
Une rentabilité locative nettement supérieure pour les meublés
La différence de rentabilité entre les locations nues et meublées est également un facteur clé dans le choix des investisseurs. En comparant les performances locatives sur 12 ans dans des villes comme Annecy, La Rochelle, Montpellier et Paris, le rapport montre que la rentabilité d’une location meublée de courte durée est deux à trois fois plus élevée qu'une location vide, avec un taux marginal d’impôt sur le revenu à 30 %. Pour les foyers plus aisés, cette différence est encore plus marquée, puisque la rentabilité d’une location vide est nulle, voire légèrement négative dans certains cas.
Ce déséquilibre financier pousse naturellement les propriétaires à préférer les locations meublées touristiques, plus lucratives. Cette tendance est particulièrement visible dans les zones où le marché locatif est déjà tendu, renforçant encore la pénurie de logements accessibles pour les résidents permanents.
« Le nombre de logements proposé sur les plateformes de réservation a augmenté de 40 % en 4 ans », selon Annaïg Le Meur, députée Renaissance.
Les effets pervers du régime micro-BIC
Le régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) constitue un autre avantage pour les propriétaires de meublés. Tant que les revenus locatifs restent en dessous d’un certain seuil, ces derniers peuvent bénéficier d’un abattement fiscal attractif. Mais si les revenus dépassent ce seuil, ils peuvent alors opter pour le régime réel d’imposition, qui permet de déduire de nombreuses charges, telles que l’amortissement du bien, des revenus locatifs. Ce mécanisme accroît encore la rentabilité des meublés et incite les propriétaires à opter pour ce type de location, délaissant les locations nues, pour lesquelles de tels avantages fiscaux n'existent pas.
Cela renforce encore l’écart entre la rentabilité des meublés et celle des locations classiques, aggravant ainsi la pénurie de logements pour les ménages à la recherche de solutions abordables à long terme.
Une offre locative déséquilibrée dans les zones tendues
Les conséquences de ces régimes fiscaux avantageux se font particulièrement ressentir dans les zones où le marché locatif est tendu, c’est-à-dire les zones où la demande de logements dépasse largement l’offre. Dans ces régions, la pénurie de logements disponibles à la location longue durée s’aggrave, tandis que les offres de meublés touristiques explosent.
Le rapport cite des exemples frappants, notamment à Die, dans la Drôme, où il n’y a que 5 logements disponibles à la location classique contre une centaine sur les plateformes de tourisme. Ce constat se vérifie dans de nombreuses autres villes françaises, où les meublés touristiques se multiplient au détriment de l’offre locative traditionnelle. Les résidents, particulièrement les ménages modestes et les jeunes actifs, sont alors confrontés à une situation de plus en plus critique, avec peu de logements disponibles et des loyers qui s’envolent.
Vers une réforme de la fiscalité locative ?
Face à cette situation, plusieurs pistes de réforme sont évoquées pour rééquilibrer le marché locatif et limiter les effets pervers de la fiscalité actuelle. Parmi elles, la fin du régime micro-BIC pour les loueurs en meublé non professionnels, qui permettrait d’harmoniser la fiscalité des locations nues et meublées.
Une autre proposition consiste à créer un régime commun pour tous les types de location, simplifiant ainsi un système fiscal jugé trop complexe. Enfin, il est également question de revoir les seuils de recettes permettant de distinguer les loueurs professionnels des loueurs non professionnels, afin de mieux encadrer la fiscalité applicable.
Ces propositions devraient faire l’objet de débats animés et leur adoption dépendra des discussions à venir au Parlement. En attendant, la pénurie de logements à long terme continue de s'aggraver, tandis que les propriétaires privilégient les meublés touristiques, jugés plus rentables grâce à une fiscalité particulièrement avantageuse.
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