Face à la crise du logement, les initiatives vont bon train pour tenter d’enrayer le phénomène et de redonner une bouffée d’oxygène au marché immobilier. Quand on sait que l’accès au crédit et la remontée rapide des taux l’an dernier ont largement miné le terrain de l’accès à la propriété, toute solution permettant de profiter de taux plus bas est la bienvenue. Passée sous le tapis depuis quelques années, la portabilité de prêt immobilier refait surface, à l’occasion d’une proposition de loi déposée peu de temps avant l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. Explications.
Dégripper le marché immobilier et relancer le crédit
Après le retour en fanfare des prêts in fine, et des prêts hypothécaires ou à taux bonifiés pour les primo-accédants, c’est au tour de la portabilité – ou transférabilité des prêts – de faire son come-back. Portée par le député Damien Adam (Renaissance), la proposition de loi pour généraliser le recours à cette pratique, restée confidentielle, a été déposée début mai afin d'« agir contre le blocage du marché de l'immobilier ».
C’est un fait : avec une chute de quelque 40 % de la production de crédits immobiliers, couplée à une remontée spectaculaire des taux d’emprunt en 2023, les candidats à l’achat ont subi plusieurs revers. Et même si les taux d’intérêt sont orientés à la baisse depuis le début de l’année et que les prix de l’immobilier poursuivent (trop) lentement leur décrue, le marché reste grippé, et les transactions, au plus bas.
Après avoir grimpé jusqu’à 4,50 % en décembre 2023, les taux d’emprunt ont amorcé leur baisse et sont actuellement à 3,80 % sur une durée de 20 ans (hors assurance emprunteur et coût des sûretés).
C’est quoi la portabilité de prêt ?
C’est dans ce contexte que la portabilité de prêt, qui consiste tout simplement à acheter un nouveau bien en profitant du taux d’intérêt de son ancien crédit, prend tout son sens. En effet, qui dit hausse des taux dit aussi perte de pouvoir d’achat. « Immobilièrement » parlant, cela se traduit par un dossier de financement moins solide, des mètres carrés en moins et d'autres concessions, qui éloignent l’acquéreur potentiel de son « bien idéal », et donc souvent de l’intention de concrétiser son projet d’achat.
La portabilité d’un prêt immobilier entre en jeu dans le contexte de la revente d’un bien pour en acheter un nouveau. Elle consiste plus précisément à transférer les conditions du prêt existant, souscrit pour l'achat de son logement, vers le nouvel achat immobilier. Si « nouvel achat immobilier » rime traditionnellement avec « nouveau crédit », selon les taux en vigueur, tout est différent avec la portabilité d’un prêt : on change en effet de logement, tout en conservant les conditions et avantages de son prêt initial (si son taux d'emprunt est plus attractif que ceux actuellement pratiqués sur le marché, bien évidemment).
Pourquoi une proposition de loi ? Quel en est objectif ?
Peu usitée et restée confidentielle dans la sphère bancaire, la clause de portabilité a fini par disparaître des radars, mais surtout des contrats de prêt immobilier, au moment où les taux étaient au plus bas (et ne pouvaient donc plus qu’augmenter, à terme...).
C'est de cette constatation qu'est né le projet de loi porté par le député Damien Adam. Son objectif premier est de rendre obligatoire (pour les banques) et de généraliser l’inclusion de la clause dite « de portabilité » dans tous les contrats de prêt immobilier. Il souhaite que chaque emprunteur ait la possibilité d’y avoir recours à son gré afin de maintenir les conditions de son crédit initial, en cas de vente d’un logement suivie de l’achat d’un bien immobilier tiers.
De multiples avantages pour l’emprunteur
Défendue bec et ongles par la Fnaim avant que l'exécutif ne s’en empare, cette clause fait donc son retour sur le devant de la scène, en vue de contribuer à relancer le crédit et d'insuffler une dynamique nouvelle au marché. Facultative et très favorable aux emprunteurs, elle promet divers avantages :
- Profiter d’un taux préférentiel, si celui rattaché à son crédit initial est plus avantageux que les taux en cours.
- Booster le pouvoir d’achat pour acheter un bien plus grand ou mieux situé.
- Simplifier les démarches, sans nécessiter la souscription d’un nouveau crédit.
- Faire l’impasse sur la clôture du premier prêt et les éventuelles pénalités de remboursement anticipé associées.
- À plus grande échelle, relancer les transactions et contribuer au renouveau du marché.
Un levier pour la relance du marché immobilier
Sur le papier, les bénéfices de cette clause sont des plus attractifs pour les emprunteurs qui sont déjà propriétaires. De leur côté, les banques se montrent cependant réticentes face à cette proposition de loi et à la volonté de généraliser un tel dispositif. De fait, outre la complexité de ce type de montage financier et son coût, le manque à gagner des banques pourrait bien être répercuté sur les taux. Il affecterait alors en retour les emprunteurs désireux d’accéder à la propriété, qui ne profitent pas des avantages de la portabilité.
A contrario, si les banques jouent le jeu en intégrant la clause de portabilité dans les contrats de prêt, pour Damien Adam « les citoyens pourraient être amenés à faire des prêts complémentaires à ceux qu’ils ont déjà. Car s’ils achètent un bien un peu plus cher, il faut compléter le surcoût du nouveau logement avec un crédit complémentaire. C’est gagnant-gagnant [...] si le marché de l’immobilier se relance, c’est donc dans leur intérêt. »
À noter qu’en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, l'examen de tous les projets et propositions de loi sera gelé, selon l’article 12 de la Constitution. Il faudra donc attendre les résultats des législatives des 30 juin et 7 juillet prochains pour connaître le calendrier parlementaire des mois à venir et l'éventuel maintien des dossiers en cours.
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)