En quoi un recours contre une autorisation d'urbanisme peut-il être abusif ?

Morgane Jacquet
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Votre voisin vient d’obtenir une autorisation d’urbanisme de la part de la mairie et vous estimez que cela vous porte un préjudice ? Vous vous interrogez sur la faisabilité d’un recours mais vous vous interrogez sur les conséquences d’une telle démarche ?

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Un couple devant un ordinateur
Sur quels critères doit-on se fonder pour considérer qu'un recours contre une décision d'urbanisme est abusif ? © Getty
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Un objectif de sécurisation des autorisation d’urbanisme

Pendant très longtemps, le droit de l’urbanisme, et plus particulièrement les autorisations d’urbanisme (permis de construire, déclaration préalable..), ont fait l’objet d’une judiciarisation particulièrement importante, tant et si bien que la sécurisation juridique des actes administratifs était devenue incertaine. En effet, face aux enjeux importants liés à la mise en oeuvre d’une autorisation d’urbanisme pour les titulaires de ces dernières et au regard des délais importants de traitement des contentieux, s’était progressivement instaurée une pratique de “chantage” consistant à promettre de retirer un recours en l’échange du versement d’une certaine somme d’argent.

Face à l’accroissement continu de cette pratique, le législateur a progressivement fait évoluer le droit de l’urbanisme afin de marquer un retour à la sécurisation des actes qui en découlent. Parmi l’ensemble des dispositifs mis en œuvre, ce dernier à instaurer la notion de “recours abusif”.

En ce sens, l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme, modifié par la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi ELAN) ont introduit dans le code de l’urbanisme un article L600-7 afin de limiter ces pratiques. L’article en question dispose que lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel.

Le législateur vient, par cet article, introduire des gardes fous afin de limiter le nombre de recours introduits par des tiers. Celui-ci introduit deux notions, le comportement abusif et le préjudice subi. Attention, le texte ne vient pas apporter de précision quant à l’interprétation et la signification de ces notions. Il convient donc de s’y pencher plus en détail.

Une notion clarifiée par le juge administratif

Dès l’introduction de ces éléments en 2013 par voie d’ordonnance, le juge a rapidement été amené à se prononcer sur la définition de ces termes.

Ainsi, dans un arrêt du 19 septembre 2019 (n° 17DA01402), les juges de la cour administrative d’appel de Douai ont estimé que le requérant ne pouvait pas se contenter de faire valoir sa qualité de voisin proche ou immédiat pour faire un recours, il doit également démontrer que l’objet de l’autorisation d’urbanisme en cause aurait des conséquences néfastes sur la jouissance de son bien et que cela aurait pour conséquence de lui engendrer un préjudice. Les juges viennent ici souligner l’importance de l’intérêt à agir pour pouvoir intenter un recours.

Dans cet arrêt, les juges de Douai reprennent les conclusions de précédents jugements en date du 16 avril 2015 (n°1403072) rendu par le tribunal administratif de Bordeaux et du 17 novembre 2015 (n° 1303301) rendu par le tribunal administratif de Lyon qui avaient identifié plusieurs critères permettant de définir le caractère abusif d’un recours, à savoir :

  • Le caractère très relatif de l’intérêt à agir soulevé par les requérants ;
  • L’absence de pièces justificatives pour illustrer l’intérêt à agir ;
  • Le fait que la requête ne présente aucun moyen sérieux pour démontrer l’illégalité du permis attaqué ; nombre de moyens sont inopérants, infondés, irrecevables, assortis de faits non susceptibles de venir à leur soutien ou encore non assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

Attention, en parallèle du recours intenté par le titulaire de l’autorisation d’urbanisme abusivement contestée, le juge peut, une fois le caractère abusif démontré, prononcer une amende supplémentaire en application de l’article R741-12 du code de justice administrative. Cette amende ne peut excéder un montant de 10 000 euros.

Références juridiques

  • Code de l’urbanisme : article L600-1 à L600-13, et notamment l’article L600-7
  • Code de justice administrative : article R741-12
  • Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi ELAN)
  • Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme
  • CAA Douai, arrêt du 19 septembre 2019 (n° 17DA01402)
  • TA Lyon, arrêt du 17 novembre 2015 (n°1303301)
  • TA de Bordeaux, arrêt du 16 avril 2015 (n°1403072)
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