« Le financement sera un facteur décisif de l'achat immobilier en 2022 »

Xavier Beaunieux
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Suite à la conférence LPI « 2021, une année de rebond. Et après ? », Jean-François Morineau, directeur général délégué de BNP Paribas Real Estate Conseil Habitation & Hospitality et président de l'association LPI nous partage son analyse du marché de l’immobilier hexagonal : évolution des prix immobiliers et des conditions d'accès au crédit, impact du DPE sur la valeur des logements…

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Une façade d'immeuble à Nantes
Immobilièrement parlant (prix, accès au crédit, impact du DPE), quelles seront les grandes tendances de 2022 ? ©thomathzac23

Est-il juste de dire que les conditions de crédit forment la pierre angulaire de l’activité du marché immobilier hexagonal ?

La pierre angulaire, je ne sais pas, mais à minima à égalité avec le bien recherché. Les conditions de crédit, notamment le taux et la durée, sont essentielles pour 80 % des Français qui financent leur achat par le biais d’un prêt. On peut donc dire que le financement est l'un des premiers facteurs de l’achat immobilier.

C’est d'ailleurs la raison pour laquelle les agents immobiliers demandent, lors des premiers rendez-vous avec leurs clients, s’ils ont déjà effectué une simulation de prêt avec un établissement bancaire.

Les conditions d’accès au crédit ont évolué et ce qui était vrai il y a six mois ne l’est peut-être plus aujourd’hui ou, à tout le moins, pas dans les mêmes conditions. Il est donc essentiel de faire valider - au préalable - la faisabilité de son projet d’achat immobilier par son banquier.

Le prix du m² en France, est en moyenne, de 3 339 €, dans l’ancien / Source : Baromètre LPI-SeLoger - décembre 2021)

On a beaucoup dit de l’année 2021 qu’elle avait été une année de transformation (demande, usages, etc.). Partagez-vous cet avis ?

Oui. Mais je dirais que 2021 aura surtout été l’année de la confirmation. La première vague du Covid avait esquissé quelques phénomènes comme l’envie de jardins, de balcons, d’espaces extérieurs, de verdure… Puis, le second confinement a non seulement renforcé cette tendance mais il a aussi donné l'occasion à certains de franchir le pas. C’est à ce moment que certains Français se sont dit « Ça y est, c’est décidé je vais m’éloigner un peu du centre-ville pour m’offrir une meilleure qualité de vie. Je sais que cette décision implique des contraintes mais avec le télétravail, ça peut fonctionner ». Dans de nombreuses entreprises, le télétravail est, en effet, devenu une réalité car si la tendance, qui a émergé et dont on aurait pu penser qu’elle constituait un effet d’aubaine et ne serait qu’éphémère, s’est confirmée, c’est aussi parce que la plupart des entreprises ont accepté de jouer le jeu du télétravail.

« 2021 aura été l’année de la confirmation »

Le resserrement du crédit et la nécessité d’un apport pénalisent-ils les primo-accédants ? Ceux-ci sont-ils une espèce menacée ?

Il faut bien voir que l’on est passé d’un extrême à l’autre. Il y a une quarantaine d'années, on n’imaginait pas de financer l’achat d’un appartement à crédit. À l’époque, on préférait payer comptant et jusqu'à récemment, il était possible de devenir propriétaire en s’endettant à 110 %, si l’on compte le prix du bien, les frais de notaire et les éventuels travaux. Aujourd’hui, exiger un apport personnel, c’est aussi avoir une sorte d’amortisseur par rapport à une éventuelle baisse des prix, baisse des prix que nous ne voyons certes pas arriver mais que certains pourraient redouter.

Pour certains, la fin de la hausse équivaut forcément au début de la baisse. Dans le cadre d’un achat immobilier, devoir fournir 10 voire 15 % d’apport constitue certes une grosse somme mais cela n’est pas déraisonnable en soi. Pour autant, pour certains budgets, c’est effectivement compliqué. Les nouvelles règles du jeu, qui s’appliquent aux crédits, à savoir le fait que les recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (taux d’endettement limité à 35 %, assurance comprise, durée de remboursement limité à 25 ans dans l’ancien) soient devenues des injonctions pourrait, dans les faits, exclure momentanément les primo-accédants du marché. Mais dans 2-3 ans, une fois que ces nouvelles règles du jeu auront été digérées, les primo-accédants pourront faire leur retour.

En revanche, je déplore que le « reste à vivre » ne soit pas pris en compte car il peut varier considérablement d’un emprunteur à l’autre. Selon moi, on aurait pu lui accorder autant d’importance qu’au taux maximum d’endettement. Aujourd’hui, la stricte application par les banques des recommandations du HCSF peut pénaliser aussi bien les primo-accédants que ceux qui souhaitent s’acheter une résidence secondaire ou investir dans le locatif, quand bien même ils en ont les moyens. Je rappelle d'ailleurs ici que 80 % des appartements en location sont détenus par des particuliers et s'ils sont moins nombreux à investir dans la pierre locative, alors le manque d’offre locative perdurera.

« Même si les taux sont historiquement bas, acheter comptant peut rassurer »

Pour appliquer une véritable égalité, aurait-il fallu traiter différemment les emprunteurs dans des situations différentes ?

Disons qu’il eût peut-être été judicieux de laisser un peu plus de souplesse aux primo-accédants, notamment s’agissant de jeunes dans une situation professionnelle évolutive. Le reste à vivre aurait gagné à pouvoir être réajusté au cours de la vie de l'emprunteur et de son évolution professionnelle.

Un mot sur le retour des achats immobiliers au comptant ?

C’est une tendance réservée à une certaine catégorie de personnes et sur certains marchés immobiliers. Il peut s’agir, par exemple, de personnes qui ont vendu leur logement situé dans le centre-ville d’une métropole active pour acheter une résidence principale/secondaire dans une ville moyenne où les prix sont moins élevés. Même si les taux sont historiquement bas, acheter comptant les rassure. Pour autant, d’un point de vue fiscal, je doute que cela soit avantageux.

Qu’est-ce qui nous attend, en matière d'immobilier ?

Je pense que l’activité va se maintenir mais qu’il y aura une graduation des prix, au sein d’un même quartier ou d’un même immeuble, plus importante qu’auparavant. Entre un rez-de-chaussée et un étage, des écarts de prix pourront ainsi se renforcer, de par la présence ou l’absence d’un extérieur, notamment. La valeur énergétique des logements va aussi prendre de plus en plus d’importance. Un appartement bien isolé aura plus de valeur qu’un autre dont le DPE laisse à désirer et cela tant sur le marché de la location que sur celui de la transaction.

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Jean-François Morineau, Président de l'association LPI
Jean-François Morineau
Directeur général délégué de BNP Paribas Real Estate Conseil Habitation & Hospitality et président de l'association LPI
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