L’exception d’inexécution permet à une personne engagée dans un contrat avec une autre de cesser de respecter ses obligations en réponse à un manquement grave de la part de l’autre partie. Or, les juges ont récemment désapprouvé l’usage de ce droit dans le cas d’un locataire ayant cessé de payer ses loyers sous prétexte que son propriétaire avait manqué à ses devoirs de délivrance.
Le locataire peut suspendre le paiement des loyers sous conditions
Mettant en avant le défaut de paiement des loyers de la part de son locataire, le propriétaire d’un local commercial a engagé des actions pour résilier le bail de celui-ci. En réponse, le locataire invoquait l’exception d’inexécution, expliquant que le propriétaire avait manqué à ses devoirs de délivrance en raison d’infiltrations ayant affecté le local loué.
La Cour d’Appel s’est d’abord penchée sur ce litige et a retenu la légitimité du locataire à cesser de payer ses loyers. Les juges avaient estimé que même si l’exploitation n’était pas totalement impossible, l’exception d’inexécution était justifiée par le manquement du propriétaire à un devoir essentiel du bail.
Or, la Cour de Cassation a annulé cette décision, et a considéré que les juges de la Cour d’Appel auraient dû examiner si les infiltrations rendaient effectivement le local impropre à l’usage auquel il était destiné.
Le versement des loyers constitue bien l’une des obligations fondamentales du locataire, et il ne peut cesser de les régler qu’en cas de manquement grave du propriétaire à ses obligations. L’exception d’inexécution est donc reconnue par les juges uniquement dans des circonstances exceptionnelles qui n’étaient pas établies d’après eux dans le cas présent.
Cass. civ. 3e, 6 juillet 2023 n°22-15.923 FS-B.
C'est quoi, une exception d’inexécution ?
L’exception d’inexécution est un droit accordé à chaque partie, de refuser d’exécuter la prestation à laquelle elle est tenue tant qu’elle n’a pas reçu la prestation qui lui est due. En l’occurrence, dans le cas jugé par la Cour de Cassation le 6 juillet 2023, le locataire considérait que le bailleur n’avait pas assuré la prestation qu’il aurait dû assurer à la suite de la découverte des infiltrations dans le local commercial, et il invoquait donc l’exception d’inexécution pour refuser en retour de régler les loyers au bailleur.
Cet outil juridique qui est mis à l’honneur dans le cas jugé précédemment, fait donc office d’exception à la maxime qui mentionne que « nul ne peut se faire justice soi-même », et a été mis en place pour contraindre son co-contractant à exécuter ses obligations, ou pour prévenir le risque que ce dernier ne manque à ses obligations. Notez cependant que cette exception est strictement encadrée par la loi, qui ne l’autorise que lorsque l’inexécution de l’une des deux parties est suffisamment grave. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas été retenue par les juges de la Cour de Cassation, qui considéraient que l’arrêt de paiement des loyers auraient été justifié si les infiltrations avaient rendu le local impropre à sa destination. Cette règle permet de réduire le risque d’abus.
Comment agir légalement contre le propriétaire en cas de litige ?
En cas de manquement de la part d’un propriétaire, il est possible d’agir à son encontre et dans le respect du cadre légal, car l’exception d’inexécution est un outil qui n’est légitime que dans certains cas restreints.
En cas de litige, et avant de saisir le juge, il est possible de saisir la commission départementale de conciliation des baux commerciaux qui peut être saisie dans le cas de la détermination et de révision du loyer ou du montant des charges locatives.
Pour tout autre sujet, il est alors possible de se tourner vers le tribunal judiciaire, et la procédure commence par une assignation, qui permet de convoquer l’autre partie devant le tribunal.
Il est possible de saisir la commission départementale et le tribunal judiciaire en même temps.
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