L’installation d’un judas optique ou électronique sur la porte d’entrée de son domicile est une question souvent posée, notamment en copropriété. Ces dispositifs contribuent à augmenter la sécurité en permettant à l’habitant de voir l’extérieur sans ouvrir la porte. Cependant, qu’en est-il des autorisations nécessaires, surtout dans le cadre de la réglementation européenne sur la protection des données ?
Les règles de protection des données pour les dispositifs privés
La législation européenne, via le règlement général sur la protection des données (RGPD), encadre strictement l’utilisation de dispositifs de surveillance lorsqu’ils collectent des données personnelles. Toutefois, ce règlement ne s’applique pas aux dispositifs installés dans un cadre purement domestique et privé. En effet, l’article 2 du RGPD précise que les activités personnelles ou domestiques ne sont pas couvertes par ce texte (article 2, point c). Ainsi, tant que le judas optique ou électronique reste dans un cadre privé, il ne sera pas concerné par les restrictions liées au RGPD.
La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a confirmé cette interprétation dans une lettre datée du 23 juillet 2018. Elle y distingue les espaces accessibles au public (qui sont soumis aux règles de protection des données) des espaces privés, comme le seuil d’un appartement, qui ne le sont pas. Cependant, si le dispositif en question permettait de capturer des images d’un espace partagé comme un hall sans digicode, il pourrait être soumis aux règles du RGPD.
La jurisprudence : une protection de la vie privée en copropriété
Plusieurs décisions de justice apportent des éclaircissements sur l’installation de dispositifs de surveillance en copropriété. La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 mai 2011, a rejeté une plainte déposée par un syndicat de copropriété contre un copropriétaire ayant installé une caméra pointant vers les parties communes. La Cour a estimé qu’il n’y avait atteinte à la vie privée que si les personnes filmées étaient identifiables et que les images étaient diffusées publiquement. L’absence d’enregistrement et de diffusion des images a permis de valider l’installation dans ce cas.
Dans le cas spécifique des judas électroniques, la Cour d’appel de Paris a tranché en 2021 (arrêt du 12 février 2021) que l’installation d’un tel dispositif ne nécessitait pas d’autorisation particulière. Étant installé sur une partie privative, le judas optique électronique est considéré comme un simple œilleton permettant une vision de l’extérieur sans enregistrement. En conséquence, le syndicat des copropriétaires n’a pas de recours pour exiger son retrait, sauf si une preuve d’enregistrement illicite est fournie.
Les judas numériques qui permettent de voir sur un écran peuvent être soumis à une déclaration auprès de la copropriété : il est nécessaire de consulter le syndic pour savoir si l’installation doit être déclarée.
Le cas des dispositifs dotés de fonctions d’enregistrement
Les judas optiques électroniques standards ne posent généralement pas de problème juridique puisqu’ils se contentent de transmettre une vue directe sans capturer d’images. Toutefois, les modèles intégrant un système de capture vidéo peuvent poser des soucis de respect de la vie privée, notamment dans les espaces partagés.
La CNIL et les tribunaux français considèrent qu’un dispositif d’enregistrement installé dans un logement privé et filmant des parties communes pourrait être interprété comme une intrusion dans la vie privée des autres résidents.
La responsabilité du syndic et du syndicat de copropriété
Dans le cadre de l’installation de judas optiques électroniques, le syndic de copropriété et le syndicat des copropriétaires n’ont pas de pouvoir d’autorisation ou d’interdiction dès lors que l’installation reste privée et non intrusive.
La Cour de cassation, dans son arrêt de 2011, a précisé que le syndicat ne peut agir en justice que pour sauvegarder l’intérêt collectif des copropriétaires. Si le dispositif ne nuit pas aux parties communes et ne compromet pas la vie privée de manière prouvée, le syndicat ne peut exiger son retrait.
En cas de litige, quelles solutions ?
Si un litige survient concernant un judas électronique installé par un copropriétaire, le syndicat de copropriété ou un autre résident pourrait tenter d’argumenter sur la base d’une atteinte à la vie privée. Cependant, sans preuve d’un enregistrement ou d’une diffusion des images, la procédure pourrait être difficile à justifier. Le préjudice doit être clairement établi et il est essentiel de prouver que le dispositif va au-delà de sa fonction d’observation directe pour que la plainte soit recevable.
Enfin, le Code pénal prévoit des sanctions en cas de captation illégale d’images privées. Si le dispositif de judas optique intègre un enregistrement à l’insu des autres copropriétaires, cela pourrait constituer une infraction. Dans ce cas, une enquête judiciaire pourrait être ordonnée pour vérifier les capacités du dispositif installé et vérifier la présence ou non d’enregistrements.
Pour éviter toute ambiguïté juridique, il est conseillé d’utiliser un judas optique électronique sans fonction d’enregistrement. Informer le syndic permet de clarifier les intentions. Un dispositif qui se limite à la simple observation sans capture d’images est en conformité avec les règles de copropriété et les recommandations de la CNIL.
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