Quelle jurisprudence pour un DPE erroné ?

Quentin Gres
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Le DPE joue un rôle clé dans la vente ou la location d'un bien immobilier. Lorsque ce document contient des erreurs, il peut entraîner des litiges entre les parties concernées, qu’il s’agisse de l’acquéreur, du vendeur, du bailleur ou du locataire. L’évolution législative et jurisprudentielle a modifié les droits de ces parties ainsi que les responsabilités des diagnostiqueurs. On vous en dit plus.

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Jurisprudence DPE erroné
Une erreur sur votre DPE ? Pas de panique : la jurisprudence tend à être plus protectrice envers les parties lésées. © Getty Images
Sommaire

Qu'est-ce qu'un diagnostic de performance énergétique (DPE) ?

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) évalue la performance d'un logement ou d'un bâtiment en mesurant sa consommation d'énergie et son impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Il est obligatoire lors de la vente ou de la location de biens immobiliers, sauf exceptions prévues par l'article R126-15 du Code de la construction et de l'habitation.

Ce diagnostic est effectué à l'initiative du propriétaire ou du bailleur, qui en assume les frais. Une fois réalisé, le DPE est remis à l'acquéreur ou au locataire, lui permettant ainsi d'estimer son budget en matière de logement (coût du chauffage, performance de l'isolation, etc.).

Dans le cas des logements neufs, le promoteur doit fournir le DPE à l'acquéreur au plus tard le jour de la livraison du bien.

Recours contre le vendeur ou le bailleur en cas d’erreur dans le DPE

Lorsqu’un bien immobilier est vendu ou loué et que le DPE fourni est erroné, la question se pose de savoir contre quelle partie entreprendre une action. Dans le cadre de la vente, l'acquéreur peut agir contre le vendeur en raison du lien contractuel direct. Si l’erreur est avérée, l’acquéreur peut invoquer un défaut d'information, un dol ou un vice caché (articles 1104 et 1641 à 1646 du Code civil), notamment si le vendeur connaissait la défaillance du bien et n’a pas informé l’acheteur.

Dans le cadre d'une location, le locataire peut engager une action contre le bailleur, en invoquant une fausse information susceptible d’affecter ses décisions en matière de choix énergétique ou de consommation. Les démarches juridiques à entreprendre dépendent de la situation spécifique du dossier et des preuves disponibles.

Responsabilité du diagnostiqueur immobilier : comment agir ?

Bien que l'acquéreur ou le locataire n’entretiennent pas de lien contractuel direct avec le diagnostiqueur, ce dernier peut voir sa responsabilité engagée. En vertu de la responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil), un acquéreur peut attaquer le diagnostiqueur s'il parvient à démontrer qu'une erreur dans l’exécution de la mission a causé un préjudice. Cela repose sur la jurisprudence de 2006 de la Cour de cassation, selon laquelle un tiers peut invoquer un manquement contractuel s’il subit un dommage.

Une fois ce fondement juridique établi, il convient de déterminer si la jurisprudence reconnaît un lien de causalité direct entre l'erreur du DPE et le préjudice subi. Il est également essentiel d’évaluer les mesures compensatoires envisageables, tant sur le plan financier que sur le plan des actions à entreprendre.

Les avocats spécialisés doivent déterminer la stratégie appropriée. Il est nécessaire d'évaluer s'il est plus judicieux de poursuivre uniquement le diagnostiqueur ou d'envisager une action conjointe. Cette dernière pourrait inclure le vendeur ou le bailleur, avec la sollicitation d'une condamnation in solidum, c'est-à-dire la solidarité entre les responsables.

L'opposabilité du DPE

La loi ELAN, en révisant l'article L.271-4 du Code de la construction et de l'habitation, a mis en place une distinction essentielle : les recommandations accompagnant le DPE sont désormais considérées comme purement informatives. Depuis le 1ᵉʳ juillet 2021, le DPE est devenu opposable, ce qui signifie que les informations qu'il contient sont juridiquement contraignantes.

Ainsi, l'acquéreur ou le locataire d’un bien est en droit de demander réparation en cas d’erreur dans le DPE, que ce soit sous forme d’indemnisation ou d’autres compensations.

Évolution de la jurisprudence et perspectives d’indemnisation

Compte tenu des récentes évolutions législatives, il convient d’examiner la jurisprudence rendue avant et après l’adoption de la loi ELAN pour tenter d'anticiper la position de la Cour de cassation sur les DPE erronés, en particulier concernant l’étendue des droits des parties lésées.

Jurisprudence sur les DPE erronés avant le 1ᵉʳ juillet 2021

Avant l'entrée en vigueur de la loi ELAN, la Cour de cassation avait une approche plus restrictive par rapport à l’indemnisation des erreurs dans les DPE. En effet, elle ne reconnaissait souvent qu'une perte de chance de renégocier le prix de vente. Elle considérait que les informations contenues dans le DPE avaient une valeur informative et qu’il n’y avait pas de lien de causalité direct entre l’erreur du diagnostiqueur et le préjudice subi par l’acquéreur.

Par exemple, un arrêt du 21 novembre 2019 (n° 18-23.251) a précisé que, selon l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation, le DPE n’a qu’une valeur informative. En l’occurrence, la perte de chance était celle de négocier une réduction du prix de vente plutôt que de couvrir les coûts d'isolation.

Pour les DPE réalisés avant le 1ᵉʳ juillet 2021, l'indemnisation semble donc se limiter principalement à la perte de chance. Cependant, cette approche n'exclut pas d'autres actions contre les vendeurs ou bailleurs sur la base d’autres responsabilités juridiques, comme la garantie des vices cachés.

Jurisprudence récente : vers une indemnisation plus complète ?

Depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN et des récentes réformes, la jurisprudence évolue en faveur d’une indemnisation plus complète des préjudices liés aux DPE erronés, à l’instar des changements observés en matière de diagnostics amiante ou plomb. Cette évolution pourrait impliquer une réparation des coûts réels liés aux erreurs de performance énergétique, y compris la prise en charge des frais d’isolation ou de remise en conformité.

Les juges ont adopté une approche plus protectrice des parties lésées, en particulier pour les coûts d'isolation et autres dépenses nécessaires afin de mettre un bien en conformité avec les données initialement fournies dans le DPE.

Si des erreurs sont constatées dans les diagnostics techniques, il est fortement conseillé de consulter un cabinet spécialisé pour entamer les démarches appropriées auprès des diagnostiqueurs, assureurs ou vendeurs, selon les spécificités du dossier.

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