Vous connaissez le viager libre ou occupé, et peut-être même le viager « inoccupé », « à terme » et « sans rente », de nouvelles formules davantage adaptées aux différents besoins. Mais connaissiez-vous la vente avec bail à nourriture ? Cette curieuse appellation désigne une alternative à la vente en viager, où la rente est ici versée sous forme d’assistance et de services rendus au vendeur du bien. Découverte.
Bail à nourriture, cession d’un bien contre rente en nature
La pratique n’est pas nouvelle et a connu autrefois ses heures de gloires dans le monde rural, lorsqu’un membre d’une fratrie prenait en charge un parent âgé ou invalide avec un engagement de services et de soins allant bien au-delà du devoir moral ou de l’obligation d’assistance alimentaire.
Malgré un nom trompeur, le bail à nourriture, qu’il serait plus judicieux d’appeler vente avec adjonction d’un bail à nourriture, désigne un contrat passé entre le vendeur d’un bien immobilier et son futur acquéreur, dans lequel ce dernier s’engage à pourvoir aux besoins quotidiens du vendeur tout au long de sa vie. Novateur malgré son grand âge, le bail à nourriture apporte en ce sens une solution concrète permettant de soutenir l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées isolées et dépendantes.
Le bail à nourriture n’est pas inscrit au Code civil mais défini par une pratique juridique. Selon la Cour de cassation, ce contrat est « caractérisé par l’obligation contractée par l’acquéreur de subvenir à la vie et aux besoins de l’auteur de l’aliénation, spécialement, en lui assurant la fourniture et la prise en charge de ses aliments. »
Comment ça marche ? Quelles différences avec le viager ?
Sorte d’alternative en « nature » de la vente en viager classique, le bail à nourriture retrouve actuellement toute sa fraîcheur et sa pertinence à l’heure où le vieillissement de la population bat son plein et que de plus en plus de seniors en perte d’autonomie se disent désireux de rester à vivre à leur domicile le plus longtemps possible.
Tout comme le viager, le bail à nourriture est donc associé à un contrat de vente immobilière qui permet au vendeur de conserver le droit d’usage de son lieu d’habitation ad vitam et dont le prix de vente est déterminé par son âge, son genre et son espérance de vie résiduelle, calculé sur la base des tables de mortalité. Mais contrairement au viager, la rente n’est pas que pécuniaire, puisqu’elle prend la forme de prestations de services et d’assistance aux soins aussi divers que variables – soins de santé, aide culinaire, courses alimentaires, entretien courant du logement, tâches administratives, gestion des factures, accompagnement à des rendez-vous médicaux, etc. – chaque contrat étant conclu de « gré à gré » entre le vendeur et l’acquéreur, donc personnalisable.
Avantages et conditions côté vendeur
Pour le vendeur, généralement âgé et en perte d'autonomie, les avantages sont nombreux :
- Continuer d’habiter son logement tout en bénéficiant de soins et de services à domicile définis par contrat, et ce, jusqu’à la fin de ses jours.
- Qu’il soit d’un âge avancé ou juste soucieux d’assurer ses vieux jours, le vendeur bénéficie d’une rente en nature dont les prestations évoluent en fonction de sa perte d’autonomie et son état de santé.
- Même si aucun lien de parenté n’est requis pour signer un bail à nourriture, il est tout à fait possible que ce contrat unisse un parent et son enfant (ou un autre membre de la famille), ce qui permet au vendeur de s’engager avec une personne connue et de confiance, mais aussi de transmettre son bien immobilier en limitant les droits de succession.
- Le cas échéant, en tant que contrat « intuitu personae », le bail à nourriture permet de se lier à un tiers, soit un acquéreur lambda – qui peut être aussi un ami, un voisin ou autre personne proche –, et formalise par là une relation d’aide entre deux personnes unies par un lien de confiance mutuel.
En cas de contrat conclu dans le cercle familial, il convient d’être vigilant par rapport au risque de requalification du contrat en donation par l’administration fiscale, ce qui rend sa fiscalité moins attractive. De fait, il est vivement conseillé de se faire accompagner par un notaire spécialisé.
Quels bénéfices pour l’acheteur ?
Côté acheteur, et à condition que le contrat soit davantage perçu comme un outil de solidarité intergénérationnelle que comme un investissement immobilier pur et dur, les avantages peuvent s’assimiler en grande partie à ceux du viager classique :
- L’acquisition du logement en dessous du prix du marché.
- Des rentes majoritairement dues en nature, la partie pécuniaire se résumant pour l’essentiel à la prise en charge des frais de la vie courante, de santé...
- La possibilité d’occuper le logement, même si la cohabitation n’est pas obligatoire et dépend de l’accord conclu entre les deux parties.
- Au décès du vendeur, il devient de facto propriétaire du bien et peut en disposer comme bon lui semble.
L’acquéreur doit s’engager en connaissance de cause par rapport aux deux aléas majeurs qui caractérisent le bail à nourriture : l’inconnue quant à la durée de vie du vendeur et l’évolution des prestations de soin, qui peuvent varier selon la dégradation de son état de santé.
Comment sécuriser le contrat de bail à nourriture ?
Caractérisé par divers aléas, le bail à nourriture doit impérativement reposer sur une forte relation de confiance entre les deux parties et être formalisé avec le concours d’un notaire ou d’un expert spécialiste en viager. Pour sécuriser le contrat, il est vivement conseillé d’y inclure un certain nombre de clauses :
- Définir par le menu la nature, la qualité, le périmètre et la périodicité des différentes prestations de service et d’assistance que le débiteur doit fournir au vendeur, et ce, qu’elles soient pécuniaires ou en nature.
- Anticiper la hausse du coût de la vie en prévoyant dès le départ des revalorisations ponctuelles, à échéances fixes, quant à la valeur des prestations dispensées.
- Établir une clause résolutoire entraînant la résiliation de « plein-droit » du contrat de vente, dans le cas d’une éventuelle mésentente avec l’acheteur ou s’il ne remplit pas ses obligations quant aux prestations dues.
- Envisager l’éventuel décès de l’acheteur en inscrivant au contrat la possibilité de convertir les prestations en nature par le versement d’une rente compensatrice pour les éventuels héritiers de l’acheteur.
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